
Nous sommes à Tours le dimanche 9 avril 1978. Vers 9 heures du matin, Bernard Oliveron, habitant d’Azay-sur-Cher, accompagné de son épouse et de son fils Fabrice âgé de 11 ans, va chercher son autre fils à La Membrolle.
Au volant de sa « 404 », il arrive en haut de la Rue Nationale. La circulation est très calme en ce dimanche matin. Le pont Wilson est bien dégagé et on aperçoit la côte de La Tranchée. La voiture s’engage. Elle est prise d’étranges convulsions et les passagers ont l’impression que la route se dérobe sous leur véhicule. Autour d’eux, s’élève un nuage de poussière accompagné d’un vacarme épouvantable.
M. Oliveron croit voir un mur se dresser devant lui. Instinctivement, il écrase l’accélérateur pour franchir l’obstacle ; les pneus éclatent, la carrosserie souffre et la voiture finit par passer.
M. Oliveron réalise alors que le pont vient de se briser et qu’il est vivant, lui et sa famille.
Que ce serait-il passé si la catastrophe s’était produite à une heure de forte circulation, comme la veille au soir par exemple ?
Il est 9 h 27 mn lorsqu’un 1er appel téléphonique alerte les pompiers : le pont Wilson, le vieux pont de pierre vient de s’effondrer…
Chronologie de l’événement
9 h 27 mn : premier affaissement à la hauteur de la seconde pile, côté sud-est entraînant avec elle la fracture de toute la structure du pont (rupture des canalisations alimentant le centre-ville). La faille s’étend sur une vingtaine de mètres.
14 h 15 mn : toujours vers l’est, l’affaissement touche la première arche.
16 h 02 mn : écroulement de la 3ème pile côté ouest. La pile s’effondre en basculant sur la seconde. Celle-ci s’écrase à son tour. Ce sont 3 arches qui sont projetées dans une Loire plus bouillonnante que jamais (environ 60 m d’ouvrage).
2 jours plus tard : 2 nouvelles arches se sont effondrées ; la trouée béante s’étend désormais sur plus de 120 m (4 piles écrasées).
3 mai 14 h 25 mn : 25 jours après la catastrophe, le pont Wilson continue à s’effondrer : la 5ème pile va rejoindre les autres au fond de la Loire.
Un bon tiers de l’ancien pont de pierre est ainsi hors d’usage : 5 piles, 6 arches à l’eau.
Vivre sans le pont
La circulation est déviée en direction des ponts Mirabeau, Napoléon et de l’autoroute dont la gratuité est accordée temporairement aux heures de pointe sur le tronçon St-Symphorien Chambray.
Dès la fin du mois d’avril, une station de pompage provisoire est installée sur l’île Aucard et une conduite d’eau potable est posée sur le pont de fil (ou Pont de Saint-Symphorien, pont réservé aux piétons situé en amont du pont de pierre). Des citernes d’eau sont disposées dans différents points de la ville.
La construction des ponts Bailey :
Le maire de Tours, Jean Royer, adresse immédiatement à l’Etat une demande de construction d’un pont provisoire. Mis au point pendant la Guerre 39-45 par un ingénieur anglais (Sir Donald Coleman Bailey 1901-1985) ce type de pont provisoire est constitué de sections en acier faciles à mettre en place. Un délai de deux mois étant requis pour la construction, l’inauguration a lieu le 3 juillet 1978. Il s’agit de deux structures à une voie de 450 m accolées. La circulation y est strictement réservée aux véhicules de transport en commun, taxis, véhicules d’urgence.
Face aux difficultés de circulation, la ville plaide en faveur d’un second pont ouvert aux véhicules automobiles. C’est en mars 1979, après 10 mois de travaux, que le pont Bailey n°2, construit dans le prolongement de la rue du Commandant Bourgoin, permet aux automobilistes de traverser la Loire.
Il faut rétablir les communications téléphoniques ; les liaisons avec le nord du département ne redeviennent normales que 8 jours après l’événement.
Quant à l’électricité, celle-ci va courir au travers des câbles fixés le long du parapet du pont de fil.
La reconstruction
Les Tourangeaux ont été appelés à se prononcer sur le modèle de reconstruction et la municipalité organise un référendum consultatif accompagné de l’exposition de quatre maquettes.
Le choix s’est porté sur la reconstruction à l’identique de la partie effondrée avec consolidation de la partie existante.


Le pont est rendu aux Tourangeaux le samedi 18 septembre 1982 lors d’une cérémonie populaire présidée par le ministre des transports Charles Fiterman.

Sources :
Archives départementales d’Indre-et-Loire
Drames du passé en Touraine (B. Briais)
Le pont de Tours deux siècles d’histoire (La Nouvelle République)
Les tribulations du pont de pierre (Archives municipales de Tours)