
Article de Patricia PILLORGER,
présidente du
Centre Généalogique de Touraine
Robert est né le 1er décembre 1893 à Blois (41), fils de Gabriel DOUTREBENTE, Docteur en médecine et de Julia HERBERT, c’est le premier enfant du couple. Robert est âgé de 4 ans lorsque son frère Maurice naît en 1897.
A partir du printemps 1906, lorsque son père Gabriel prend sa retraite, la famille s’installe à Tours, rue de la Fuye. Peu après ils emménagent rue Benjamin Constant, dans le quartier de l’Hôtel de ville.
Dès l’adolescence, Robert se passionne pour le sport qu’il pratique avec assiduité. Bon nageur, il plonge régulièrement dans la Loire depuis le Pont de pierre. Il participe également à des courses d’aviron et à des épreuves d’équilibriste sur bicyclette. En 1909, il remporte le premier prix de gymnastique des externes du Lycée Descartes.

C’est la Belle Époque, pratiquer une activité sportive est le reflet d’une bonne hygiène de vie. Le sport représente une valeur sociale par la rigueur et la volonté qu’il impose. Dans les écoles, il doit être pratiqué régulièrement mais il l’est plus dans les lycées avec l’aide d’un professeur spécialisé que dans les écoles communales. Des associations sportives se créent et lors des rencontres entre les équipes ou des épreuves de compétition, la famille et les amis se déplacent pour encourager leur « favori ». Malheureusement la pratique du sport est plutôt réservée aux hommes, les femmes sont considérées d’une fragilité physique et doivent demeurer une représentation gracieuse et esthétique. L’aspect de l’intérêt financier des rencontres sportives n’apparait qu’à l’entre-deux guerres. De même, l’activité physique de tous les enfants des écoles primaires se met en place seulement quelques années avant la seconde guerre mondiale.
Après la disparition brutale en 1911 de son père, Robert a emménagé au 19 place des Arts, (actuelle place Anatole France, près de la bibliothèque, alors le centre-ville de Tours), avec sa mère et son frère. Hélène, sa future épouse, vient les rejoindre à partir de 1920. Ils se marient à Tours le 31 décembre 1925. Au début de l’année 1926, le couple part s’installer dans le XVIe arrondissement de Paris (75) où leurs deux fils naîtront, puis à Courbevoie (92) chez la mère d’Hélène. En 1934, la famille revient vivre à Tours.
A 20 ans, Robert est un bel athlète d’1,82 m, aux cheveux châtain foncé et des yeux bleu foncé. Ses résultats sportifs ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, le jeune homme est donc obligé d’exercer une profession. Selon les documents consultés, il est dit voyageur de commerce ou mécanicien. En février 1921, Robert va s’associer avec un autre mécanicien, Maurice BRY, pour créer un commerce de dépôt de spécialités mécaniques au 3 rue Charles Gilles à Tours, un espace destiné à la vente d’automobiles, bicyclettes, avions, matériel d’électricité et accessoires, et à la représentation de toutes les marques commerciales s’y afférant. Leur association en participation est de courte durée, elle est dissoute en juin 1923.
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Son père Gabriel DOUTREBENTE, né en1844 à Sorigny, ancien élève du Lycée Descartes, de l’école de médecine de Tours et interne de l’Hôpital de Tours, s’engage dans la médecine mentale qu’il exerce dans plusieurs asiles. Au moment de la guerre franco-prussienne, résidant en Touraine, il est le chirurgien en chef des ambulances locales. Il occupe ensuite pendant 26 ans la fonction de directeur de l’Asile d’aliénés de Blois. Il publie de nombreux travaux scientifiques. Gabriel a suivi la voie de son grand-oncle, Jules BAILLARGER, chevalier de la Légion d’honneur, médecin-chef à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, et de son oncle Jules LUNIER, médecin-chef de l’Asile d’aliénés de Niort puis de Blois, deux médecins aliénistes. Franc-maçon, il fait partie des vénérables de la Loge de Tours. Il décède à l’issue d’une intervention chirurgicale à la clinique Velpeau de Paris, âgé de 67 ans.
Arbre généalogique de Robert DOUTREBENTE
Nageur
La première traversée d’une ville française à la nage se déroule à Paris en 1905 et cette épreuve nautique connaît un immense succès. La réussite populaire de cette activité sportive invite les villes à créer leur propre traversée dans un fleuve, une rivière, un lac. C’est la naissance des premiers clubs de natation.
A Tours, c’est le 30 aout 1908 que se déroule la première traversée de la ville à la nage, dans la Loire. Organisée à l’initiative du journal le Réveil Sportif, l’épreuve est ouverte aux professionnels et aux amateurs. Dans les engagés, il y a Albert BOUGOIN, 22 ans, le champion du monde et spécialiste des courses de grand fond, Eugène ESTRADE, 17 ans, le champion de France, MENEVEUX, le champion de France de vitesse et même une femme, Marie BECKER qui a remporté la 3ème place lors de la traversée de Lyon.

Dès le début d’après-midi de ce dimanche ensoleillé, une foule immense (environ 12.000 personnes) s’est répartie tout au long du parcours, sur les deux côtés des quais de la Loire, sur le Pont de pierre et dans l’Île-Simon. Le service des secours est assuré par le Docteur DOUTREBENTE et le pharmacien en chef de l’Hospice général, VILLEDIEU.
Une épreuve de vitesse sur 200 mètres est réservée aux nageurs de la région. Prévue à 15 heures, elle est l’ouverture du grand meeting nautique et se déroule entre le Pont de pierre à Tours et le Pont Bonaparte à Saint-Cyr. Les vainqueurs de l’épreuve de vitesse sont :
1/ NIVET – 2/ DOUTREBENTE – 3/ QUILLY – 4/ LEGEAIS – 5/ MONTCASSIN – 6/ LESAGE
La traversée d’une longueur de 2.000 mètres est prévue à 16 heures, le départ se fait en face de la barrière d’octroi de Saint-Pierre-des-Corps et l’arrivée est en amont du Pont Bonaparte, dans l’ïle-Simon. Les départs sont donnés au fil de l’eau. La jeune femme s’élance en premier, elle réalise un plongeon classique et file rapidement dans les eaux. A chaque minute, un des 38 concurrents, sur les 60 inscrits, plonge et nage vers son but. Le long des quais, la foule se précipite pour suivre les nageurs.
Le vainqueur est ESTRADE avec un temps de 18 minutes et 59 secondes
2/ BIGOT – 3/ BOUGOIN – 4/ MENEVEUX et 5/ NIVET.
Marie BECKER arrive en 15ème position.
La distribution des prix est faite au journal en fin d’après-midi. Chaque participant classé a reçu un prix ou une médaille. Un diplôme artistique est délivré à chaque concurrent qui a atteint l’arrivée. Cette première traversée à la nage de Tours est qualifiée d’épreuve intéressante et intelligemment organisée.
Des félicitations sont également adressées au plus jeune engagé des participants : Robert DOUTREBENTE, il a seulement 14 ans et demi. Le jeune sportif va continuer à se distinguer dans les épreuves de traversée à la nage de plusieurs villes au cours des années suivantes.
Pilote d’avion et formateur instructeur
Robert est de la classe 1913 et, bien qu’il soit sportif, le jeune homme est ajourné pour faiblesse, son ajournement est confirmé en 1913 et 1914 par les commissions dédiées. En décembre 1914, il finit par être incorporé dans les armées.
Affecté au premier groupe d’aviation sous le matricule 2329, Robert rejoint l’école d’aviation militaire d’Etampes (91) en juillet 1915 où les critères attendus sont d’avoir une bonne connaissance technique, d’avoir une bonne santé et une bonne vue sans dépasser le poids de 75 kg. Il obtient son brevet de pilote, numéro 1473, en date du 31 aout 1915, l’équivalent du brevet civil. Il est nommé caporal en septembre 1915 puis sergent en mai 1916 et adjudant en novembre 1918.
En septembre 1915, le jeune pilote est ensuite transféré à l’école de pilotage d’Ambérieu (01) pour être formateur d’aviateur. À Ambérieu, c’est une formation de base qui est délivrée, puis les pilotes brevetés partent sur d’autres écoles de pilotage militaire acquérir leurs spécialisations : l’observation, le bombardement, la chasse. Le futur pilote est formé en un mois sur un appareil de type VOISIN. La formation est à la fois un apprentissage au pilotage avec des vols en altitude, des vols en ligne droite ou des vols en triangle et un apprentissage technique avec les freins, le moteur, le carburateur, la boussole, la mécanique, l’atterrissage, la stabilité, la sécurité du vol, la météorologie, la typographie.


Ouverte en février 1917, Robert est transféré à l’école militaire de Châteauroux (36) en avril 1917 où il continue à délivrer les formations de base aux futurs aviateurs. De juin à novembre 1919, il revient à Tours où il est mis à la disposition de Messieurs ROLLAND & PILAIN.
Coureur automobile
La course des 24 h du Mans est une compétition automobile d’endurance de 24 heures, courue sur un circuit routier au sud de la ville du Mans (72) créée en 1923. Pendant l’épreuve, l’équipage composé de 2 pilotes se relaient jour et nuit.
A partir de 1925, le départ des voitures dans le style « Le Mans » est instauré : les pilotes s’élancent en courant vers leurs voitures placées en épi sur le côté opposé et le règlement impose que les véhicules exécutent au moins 20 tours avec la capote fermée.
Cette même année, pour la première fois, la coupe Rudge-Whitworth est décernée, elle est fondée sur le classement par cumul des distances parcourues sur les trois années successives.

En 1925, l’épreuve se déroule le 20 et 21 juin sous un très beau et très chaud soleil, il y a 49 équipes engagées soit 98 pilotes qui prennent le départ ; 33 binômes abandonnent avant la 24ème heure. La piste fait 17,262 km et la vitesse moyenne sera de 93,082 km/h.
1925 sera l’unique participation de Robert aux 24 heures du Mans

A mi-course, à la 12ème heure, l’équipe était en 18ème position. Ils parviennent au terme de la course où ils termineront en 8ème position après 111 tours, soit 1908 km à une moyenne de 79,50 km/h.
Robert est en équipe avec Louis BALLART dont c’est la 3ème participation, ils se sont engagés sous le numéro 41 dans l’écurie Corre avec une Corre La Licorne W15, catégorie « 1101-1500 » et un moteur SCAP de type 1493 cm3.

Sources :
- Archives départementales d’Indre-et-Loire (37), du Loir-et-Cher (41), de Paris (75) et des Yvelines (78), État civil
- Archives départementales d’Indre-et-Loire (37), Registre matricule année 1913, Presse en ligne, archives des série 4U et 3E
- Les débuts de l’aviation militaire française, École militaire de pilotage de 1911 à 1918, site consulté en juillet 2024
- Histoire des 24 heures du Mans, Palmarès de 1925, site consulté en juillet 2024