A comme… ANDRÉ Édouard architecte-paysagiste


Article de Claude CHRIST
adhérent du CGDT n° 3133

Né à Bourges le 17 juillet 1840, il est le fils de Charles ANDRÉ, « pépiniériste », âgé de 30 ans et d’Anne Cécile VILNAT, demeurant au lieu-dit « La petite Chappe », dans le faubourg de Saint Sulpice(*).

Son grand-père, François ANDRÉ est déclaré « jardinier », originaire de La Chatre dans l’Indre.

Sur l’acte de décès de sa mère le 8 octobre 1850, son père, pépiniériste, demeurait rue de Saint-Sulpice à Bourges ; il avait alors 10 ans.

Sur l’état de recensement de 1856 à Bourges (en page 313/402 de 1F0019) la famille apparaît toujours rue de la petite Chappe dans le faubourg de Saint-Sulpice. Son père s’est remarié avec Anne BESSET, il a 3 frères et sœur plus jeunes que lui, il est déclaré fils d’un premier lit et a 16 ans. Ils ont une domestique.
Dans la même rue habitent 2 jardiniers, un charron et un meunier, ainsi que plusieurs familles de journaliers.

(*) Le faubourg de Saint-Sulpice se situait à l’ouest de la ville de Bourges, en limite de la commune de Saint-Doulchard, au bord des rivières L’Auron et L’Yèvre, terrain propice au maraichage
(voir extrait du cadastre de 1820 ci-contre).

Edouard ANDRÉ épouse le 8 septembre 1864, à Paris, Louise Elisabeth FRANCHOMME, âgée de 20 ans, fille d’Auguste Joseph FRANCHOMME « violoncelliste du Roi » et compositeur, chevalier de la Légion d’honneur.

En 1860, à l’âge de 20 ans, il entre au « Service des promenades de la Ville de Paris », aux côtés de Jean-Pierre BARILLET-DESCHAMPS (jardinier-paysagiste tourangeau, né à Saint-Antoine-du-Rocher en 1824, décédé à Vichy en 1872, nommé jardinier-en-chef de la ville de Paris en 1854).

Il participa aux plantations des Buttes-Chaumont, sous la direction d’A. ALPHAND. Ami du critique Jules JANIN, dont il fut le secrétaire occasionnel, il rencontra George SAND et signa à ses côtés un article sur les jardins de Paris dans le « Paris-Guide » de 1867.

Lors de la naissance de son fils René, en 1867, il est domicilié à Paris XVIème, au 141 rue de la Tour, près du Bois de Boulogne ; et en 1870, lors de la naissance de son second fils Paul, il déclare habiter au 18 avenue Bugeaud.

Lauréat du concours organisé par la ville de Liverpool pour la création du parc Sefton en 1866, il obtient le premier prix d’un montant de 300 guinées (7.500 francs).

Il s’engage alors dans une carrière libérale qui va l’amener à travailler dans l’Europe entière, soit pour des commandes publiques, soit pour des commandes privées.

Il mène à bien en vingt ans la transformation en couronne verte des anciennes fortifications de la ville de Luxembourg.
Il crée aussi, le champ de Mars de Montpellier, le jardin public de Cognac, le parc du château du Lude (Sarthe) en 1882 (voir ci-après), la roseraie de L’Haÿ-les-Roses pour le compte de Jules GRAVEREAUX (1844-1916), administrateur du Bon Marché.

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Voyage en « Amérique équinoxiale » 

Edouard ANDRÉ, qui a dû rassembler lui-même le financement de l’expédition et qui dispose d’un passeport diplomatique, se voit confier en 1875-1876 une exploration botanico-horticole en Amérique du sud.
La lettre de mission du ministère de l’Instruction publique précise « pour contribuer à l’avancement de la science ».


Il embarque à Saint-Nazaire le 7 novembre 1875. Après un passage à la Martinique, il s’intéresse particulièrement aux Andes.

Il rapporta de nombreuses richesses végétales ; la plus marquante en est certainement l’Anthurium « Andreanum », aujourd’hui emblème de la Martinique, dont il s’emploiera d’assurer la promotion commerciale.

La famille de l’ananas (Broméliacées) devint sa passion, il en rapporta 133 espèces dont il est devenu le spécialiste reconnu. Il put proposer aux horticulteurs la culture de nombreuses nouveautés ou hybrides issues de ses voyages et de ses travaux.

La « Revue horticole » de 1878 détaille les richesses rapportées par Edouard ANDRÉ : un herbier de 4.300 espèces dont 3.600 nouvelles. On sait que sa moisson botanique a été étudiée et classée par les meilleurs botanistes de l’époque.

La Revue horticole était un magazine illustré contenant des articles de descriptions botaniques, édité par la Société nationale d’horticulture de France et publié de 1829 à 1974 sous le nom de Revue horticole. 

Il anime des conférences autour de son voyage et est aussi de plus en plus souvent appelé à participer à des expositions horticoles de très haut niveau, en qualité de jardinier paysagiste, de président de jury ou d’exposant.

Les botanistes et les horticulteurs lui dédient de nombreuses plantes : Oreopanax andréanum, Philodendron Andréanum, Sarothamnus Andréanum,  Eucalyptus Andréanum…


Il fut le rédacteur en chef de l’Illustration Horticole, superbe revue appartenant à l’horticulteur belge Jules LINDEN, qui diffusera l’Anthurium Andréanum à partir de 1878. L’engouement pour cette plante fut très important et généra un énorme mouvement de capitaux : le baron N. de ROTHSCHILD acquit un sujet pour le prix incroyable de 1.000 francs or.

Edouard ANDRÉ cultive dans sa propriété de La-Croix-en-Touraine des espèces qu’il a introduites, et se livre à des hybridations.


Edouard ANDRÉ devient le troisième professeur d’art des jardins à l’École nationale d’horticulture de Versailles.

Il réalisa un « Traité général de la composition des parcs et jardins » en 1879
(consultable à la BnF par Gallica)


C’est à partir de ce dernier ouvrage, emprunté à la Bibliothèque municipale de La-Croix-en-Touraine, que la plupart des illustrations contenues dans le présent dossier ont été réalisées.

En préface de son traité, il remercie son « illustre maitre »
Monsieur A. Alphand, directeur des travaux de Paris.

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Architecte paysagiste, Edouard ANDRÉ se place au premier rang des concepteurs de parcs qui diffusèrent les modèles français élaborés dans la mouvance du Préfet HAUSSMANN, d’Alphonse ALPHAND. Il aménage de nombreux parcs et jardins en France et dans le monde.

Il est spécialiste des jardins anglais du XIXème siècle et, particulièrement, des jardins en creux munis de ponts et d’escaliers en faux rondins de mortier moulé. Horticulteur et paysagiste réputé, il fut également à la tête, durant plus de vingt ans, de la prestigieuse Revue Horticole.


Il fut appelé en 1890 par la municipalité de Montevideo pour établir l’urbanisation verte de cette ville.

Dans les dernières années du XIXème siècle, le comte lituanien Feliksas Ti kevičius fait appel à lui, pour réaliser des parcs autour de 4 de ses châteaux lituaniens.

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Quelques exemples de réalisations en Touraine

Il œuvre, entre autres, pour les châteaux de Beauvais et du Coteau à Azay-sur-Cher, de Baudry à Cérelles, de la Chesnaye à Athée-sur-Cher, de Bois-Renault à Ballan.

Extrait en pages 798 et 799 de son « Traité général de la composition des parcs et jardins » dans le chapitre « exemple de parcs et jardins »

« Parmi les propriétés qui présentent la double condition d’un plateau et d’une vallée avec pente rapide, je puis citer la partie du parc de M. de Lauverjat (*), au Coteau, près d’Azay-sur-Cher (Indre-et-Loire), reproduite par la figure 456. Entre le château A, et les communs B, l’ancienne avenue P et l’entrée K, se trouve en terrain plan. On a affecté au potager une partie cachée derrière les massifs, avec un bassin central C, la maison du jardinier D, les serres EG et les bâtiments et cours de service FH. La partie déclive commence brusquement dans la partie allongée du plan, près du château, et, à cet effet, les allées ont été développées obliquement en pente douce. Une source I laisse échapper, entre les rocailles O, des eaux limpides qui servent à former la pièce d’eau N, et le ruisseau M, dont le trop plein se déverse dans le Cher en L.
Une sortie sur les prés se trouve en J. Ce plan a reçu des modifications lors de l’exécution. »
(*)Gaston de Lauverjat : 4 mai 1834 à Tours / 7 juin 1913 Azay-sur-Cher : peintre de genre et paysage du XIXème siècle.

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Extrait en pages 349 et 350 de son « Traité général de la composition des parcs et jardins » dans le chapitre « travaux d’exécution – Avenues »


« L’aspect grandiose de ces sortes d’avenues est encore augmenté si leur profil en travers, au lieu d’être horizontal est un peu accidenté. Des surfaces absolument planes font naitre l’ennui ; il suffit au contraire, du plus simple terrassement pour donner un agréable relief au sol et créer de la variété. Une des meilleures applications de ce principe se voit au parc de Beauvais près d’Azay-sur-Cher (Indre-et-Loire), dans la grande avenue d’arrivée. 
Le sol, originairement plan, a été remplacé par le profil AB (fig. 103). … »

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Extrait en page 769 de son « Traité général de la composition des parcs et jardins » Exemples et descriptions de parcs et jardins : Château de la Chesnaye à Athée-sur-Cher

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Extrait en page 839 de son « Traité général de la composition des parcs et jardins » Constructions et accessoires d’utilité et d’ornement : Château de Bois-Renault à Ballan-Miré 

Les exemples illustrant ces pages correspondent à des réalisations d’Edouard ANDRÉ, quelquefois associées à un autre architecte.

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Dans un livre de 1350 pages, édité en 1894  par « Vilmorin-Andrieux » (créateur du catalogue portant son nom), Edouard ANDRÉ donne des explications sur certaines  de ses réalisations : par exemple en page 1213, il détaille le projet des jardins du « château du Lude » réalisé en 1882 :

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Son installation en Touraine

Plusieurs chantiers réalisés dans la vallée du Cher le familiarisent avec la Touraine, notamment à Azay-sur-Cher en 1869 celui de Beauvais pour M.E. Gary, ou celui du Coteau pour M. Gaston de Lauverjat. À Montlouis, dans le parc de la Bourdaisière, il effectua des transformations pour le baron Angellier. La fille du roi Louis-Philippe, propriétaire de la fôret d’Amboise et de la pagode de Chanteloup, appréciait ses compétences. Il était lié de longue date avec la famille Saint-Bris, propriétaire du manoir du Clos-Lucé, chez laquelle il avait rencontré sa future épouse Louise Joséphine Franchomme.

En 1870, après la naissance de son fils Paul, il lui prit le désir d’installer sa famille à la campagne pour une grande partie de l’année. L’occupation de Paris par les Prussiens acheva de le convaincre. Un petit domaine mis en vente à La Croix-de-Bléré (aujourd’hui La Croix-en-Touraine) rassemblait les qualités requises.

Maisons acquises en 1871 : E1310 et E1311
enregistrées en 1873 (folio 1462 page 262/606)

Les maisons avaient précédemment été la propriété de Bacot César Joseph déclaré « député à Tours ».
Elles sont situées sur la route d’Amboise à Bléré. Sur le folio 1462, lors de l’acquisition, il est qualifié de « dessinateur de jardins ».
Sur la « Matrice des Propriétés bâties » établie à partir de 1882 (3P3/944 : case 3 en page 12/269), nous découvrons, enregistrés en 1889, 2 constructions nouvelles : 1 château d’eau et des serres.
La maison E1311 est également enregistrée avec une construction nouvelle en 1889.

Dans cette propriété de La Croix-en-Touraine, il crée une structure pour expérimenter ses propres méthodes, en matière d’aménagement, de botanique et d’horticulture.

Les états de recensement de La Croix-en-Touraine nous renseignent sur sa présence en Touraine :

  • 1872 : Édouard ANDRÉ 32 ans architecte, avec son épouse Franchomme Louise 28 ans et 2 fils, René âgé de 5 ans et Paul âgé de 2 ans tous deux déclarés nés à Paris.
    De novembre 1875 à septembre 1876 il fait son voyage en Amérique du Sud.
  • 1876 : Edouard ANDRÉ 36 ans architecte rue de Bléré, mais il vit seul : son épouse est décédée en 1873.
    Il épouse, en secondes noces, en 1877, la sœur de sa première épouse, et réside dorénavant à Paris, sa résidence de La Croix-de-Touraine devenant sa résidence secondaire et où il continue cependant de réaliser des travaux d’aménagement des maisons et du parc, comme en témoignent les matrices.
    Nota : La ligne de chemin de fer de Tours à Vierzon, est ouverte en 1869. La gare se situe à 200 m de sa maison, permettant des voyages facilités entre sa résidence parisienne et sa maison de campagne.
  • 1881 à 1906 : non déclaré sur les recensements de La Croix-en-Touraine, il est domicilié à Paris, 3 rue Chaptal dans le IXème arrondissement, près du cimetière Montmartre où il sera inhumé auprès de ses 2 épouses, dans la sépulture du violoncelliste Auguste Joseph Franchomme.
  • 1911 : Edouard ANDRÉ est présent avec sa fille Marie Caroline et 5 personnes à son service : Goiset Aimé, Clavier Jean, Doiseau Marie, Besnier Léonie et Sevin Lucien (les 4 premiers sont déclarés cuisiniers, le dernier valet de chambre).

Il décède à La Croix-en-Touraine le 25 octobre 1911. Sur l’acte de décès d’Édouard ANDRÉ sont témoins ses 2 fils :

  • ANDRÉ René Edouard, âgé de 44 ans, se déclare « architecte paysagiste » (*) et demeure avenue Victor Hugo à Paris,
  • ANDRÉ Paul, âgé de 41 ans, se déclare « directeur d’assurance » (**) et demeure rue de Cortambert à Paris. Il sera propriétaire du château du Coteau, cité ci-avant, et est inhumé à Azay-sur-Cher dans la tombe de Gaston de Lauverjat.

La fille d’Édouard ANDRÉ, religieuse, l’a accompagné dans ses derniers temps et figure au recensement de 1911 à La Croix-en-Touraine.

(*) ANDRÉ René Jules Edouard : professeur suppléant à l’école d’horticulture de Versailles nommé « officier d’académie » : Journal Officiel du 29 mars 1901.
(**) ANDRÉ Paul Marie Édouard : directeur de la compagnie d’assurances La Paternelle nommé « officier de la Légion d’honneur » le  décembre 1922. Dirige depuis 25 ans d’importants groupements d’assurances en France.

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Chevalier de la Légion d’honneur le 29 octobre 1889, il est promu
Officier de la Légion d’honneur le 18 janvier 1901

Ses biens resteront dans la famille jusqu’au début des années 2000, date d’acquisition des bâtiments et du parc par la mairie de La-Croix-en-Touraine.
Aujourd’hui le parc qu’il a créé a été aménagé en jardin ouvert au public ; il jouxte la mairie.


Sources :

  • « Traité général de la composition des parcs et jardins » par Edouard André édité 1879
  • « Edouard André (1840-1911) Un paysagiste botaniste sur les chemins du monde », les éditions de l’imprimeur 2001 – sous la direction de Florence André et Stéphanie de Courtois – collection Jardins et Paysages (ces 2 ouvrages ont été empruntés à la bibliothèque municipal de La-Croix-en-Touraine)
  • Gallica
  • Archives départementales du Cher (en ligne) et Archives départementales d’Indre-et-Loire
  • Photos actuelles de Régine Christ.
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Moreau Catherine
Moreau Catherine
2 années plus tôt

Article très intéressant, merci.

Olim Meminisse
2 années plus tôt

Superbe article. Et je mets enfin un nom sur l’auteur de ces si beaux jardins qui ceinturent Luxembourg et sont toujours très appréciés.

DUPUY Dominique
DUPUY Dominique
2 années plus tôt
Très très intéressant et très bien documenté. Mon grand père l'a peut être connu du moins entendre parlé de lui........MERCI
VAGNINI Hélène
VAGNINI Hélène
2 années plus tôt

très bel article. H.Vagnini

Patricia
Patricia
2 années plus tôt

Très bel article, Merci Claude, c’est toujours un plaisir de vous lire

Gironde2
Gironde2
1 année plus tôt

Une belle réussite pour cet architecte de parc et jardins (on dirait aujourd’hui un paysagiste) et sa passion d’horticulture : un bel hommage de votre part.