Les « ponts de fils » de Tours

C’est au XIXème siècle que furent construits dans la commune de Tours, en Indre-et-Loire, les ponts suspendus de Saint-Symphorien et de Saint-Cyr communément appelés « ponts de fils » par les Tourangeaux.

Le principe de ce type de pont est le suivant : des câbles parallèles sont supportés par des pylônes et ancrés sur des massifs extérieurs. Sur ces câbles porteurs sont attachés des suspentes, également en câbles, qui supportent par leurs extrémités des poutres transversales (ou pièces de pont) recevant le support de la chaussée. Deux poutres longitudinales (ou poutres de rigidité), établies dans le plan des câbles et des suspentes, solidarisent l’extrémité des poutres transversales. Les câbles sont constitués de plusieurs faisceaux de fil d’acier en torsion (câbles toronnés). Le pont de fil est recouvert d’un plancher : il doit comporter le minimum de poids propre.

Tours en 1911 (extrait) – Source : Archives départementales d’Indre-et-Loire

Le Pont de fil de Saint-Symphorien

Cette sorte de passerelle, suspendue à des câbles de fils d’acier, est l’oeuvre des Frères Marc et Camille SEGUIN ; nés fin XVIIIème à Annonay en Ardèche, ils sont apparentés à la famille Montgolfier : Marc, l’aîné (1876-1875), est le neveu de Joseph de Montgolfier ; son frère Camille (décédé à Toulon en 1852) élève également des ponts suspendus.

Un premier projet de pont suspendu sur la Loire entre la rue Saint-Maurice et la rue du vieux pont, à l’emplacement du vieux pont d’Eudes démoli en 1784, est mentionné dans un cahier des charges de 1841 : l’île Aucard est utilisée comme soubassement pour une levée de 120 mètres de long environ entre les deux ponts ; 2 piles maçonnées et 3 culées pour le pont entre Tours et l’île ; 1 seule culée pour le pont de Saint-Symphorien et 2 piles maçonnées. Le pont est recouvert de planches ; camionnettes et attelages de charrettes sont autorisés si leur chargement ne dépasse pas 2 tonnes, ils doivent respecter impérativement une distance de 100 mètres entre eux.

Plan de 1838 signé des Frères SEGUIN montrant toute une lignée de ponts avec des points d’appui sur l’Île Aucard
Source : Archives départementales d’Indre-et-Loire


Le pont de fil est terminé rapidement et concédé en septembre 1847 à la Société générale des ponts à péage ; il sera racheté par la ville en 1925. L’entretien du pont est assuré tous les ans par les Ponts et Chaussées.
La ville de Tours est chargée de l’éclairage : un éclairage électrique remplace les lampes à huile en 1913. Grâce à la participation du département pour 1/3 des frais d’entretien en 1928, un garde-fou métallique remplace le parapet en bois, la chaussée est protégée par du bitume et les pylônes d’origine en fonte seront coulés en béton.

Carte postale de Alain.Darles — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

Le pont piéton à péage met en communication la ville et le faubourg de Saint-Symphorien, actif quartier ouvrier : il part de la rue Lavoisier (rue Saint-Maurice au XIXème), traverse l’ancien Entrepont (devenu Île Aucard) et aboutit rue du vieux pont (levée de Saint-Symphorien).

L’armée française fait sauter la passerelle en juin 1940 ; une partie du pont de Saint-Symphorien est détruite en 1944. Réparé sommairement, il est fermé par sécurité en 1952, dans l’attente de travaux ; la reconstruction, identique, est faite entre 1955 et 1962 et les installations sportives de l’île Aucard terminées.
Après l’effondrement du pont Wilson (le « pont de pierre » de Tours) et la rupture de ses canalisations, la passerelle est à nouveau indisponible jusqu’en 1981 pour permettre le passage d’une grosse canalisation approvisionnant les Tourangeaux en eau, et de câbles pour l’électricité et le téléphone.
La structure est gravement endommagée le 21 décembre 1990 par un camion de 39T engagé par erreur sur la passerelle côté Paul-Bert ; elle n’est rouverte que le 19 juin 1993, mais définitivement interdite à la circulation automobile déjà partielle.

Le « pont de fil » actuel

Le Pont de fil de Saint-Cyr

Le Pont Louis-Napoléon Bonaparte

La construction du « pont suspendu » de Saint-Cyr débuta sous le Second Empire sur proposition de Messieurs ESCARRAGUEL et DESSE de Bordeaux et des Frères MARCHAND de Tours, proposition qui fut transmise par le préfet BRUN à Ernest MAME, maire de Tours, qui forma une commission d’enquête.
Ce pont, semblable au pont de Saint-Symphorien, devait être construit dans le prolongement de la rue Bonaparte (actuelle rue de la République) qui menait vers Saint-Cyr, pour remplacer le bac qui assurait le trafic entre les Maisons-Blanches et le Carroi des Tanneurs : il devait comprendre 5 travées réunies par la chaussée qui couperait l’île Simon. Ses piles seraient en pierre dure de Pont-le-Roy et son tablier en poutres de chêne.
Le 3 mai 1853, le Conseil municipal accepte à l’unanimité la proposition de M. CHAMBERT pour ce nouveau pont devant en outre « procurer à la ville une agréable promenade de plus ».

Extrait de la généalogie d’Emmanuel CHAMBERT – notaire et conseiller municipal à Tours


L’ouvrage, achevé dans les deux ans et baptisé Pont Louis-Napoléon-Bonaparte, en hommage au prince Napoléon après son voyage triomphal en Touraine le 15 octobre 1852, est ouvert à la circulation le 5 octobre 1855.

Le 12 février 1857 un arrêté réglemente la circulation sur ce nouveau pont qui fait également office de barrière d’octroi. Les mariniers ont ordre de « baisser les voiles, les mâts et cheminées de leurs bateaux avant d’arriver au pont ». Des grilles de fer sont posées à chaque extrémité, fermées la nuit par le gardien qui habite l’un des pavillons d’entrée.

Le Pont suspendu de Saint-Cyr 1870-1937

21 décembre 1870 : Tours est bombardée, le pont est détruit. Il est reconstruit à l’identique en 1872.
Ce deuxième pont, vétuste, est démoli au printemps 1937.

Le pont suspendu en 1932

La construction d’un pont en ciment armé, commencée juste avant-guerre, est retardée. Terminé fin 1943, le pont échappe le 16 juin 1940 à la mise à feu de 2500 kg d’explosifs destinés à le faire sauter ; il est détruit le 22 août 1944 par les Allemands à leur départ.

Le Pont Napoléon

Un nouveau « pont de Saint-Cyr » est construit en béton, après de nombreuses années de discussions sur l’emplacement, l’entrepreneur, l’utilisation (passerelle pour piétons et/ou véhicules légers ou pour circulation routière).
Payé par le Conseil général, il est inauguré le 9 juillet 1960 par Michel DEBRÉ, chef du gouvernement.
Par délibération municipale du 1er décembre 1961, et suite au travail préparatoire de la Commission des Beaux-Arts réunie le 17 octobre, il devient le « Pont Napoléon » sans aucune explication.

Des travaux de rénovation ont été entrepris il y a 2 ans par Tours métropole Val de Loire :

  • 2019 : Remplacement de 820 mètres de garde-corps, de 18 candélabres d’éclairage public et installation d’un nouveau portail d’accès à l’île Simon.
  • 2020 : Nettoyage et reprise des bétons sous le pont.
  • 2021 : Réfection intégrale de la partie supérieure du pont.

Sources :
– TOURS 2000 ans d’histoire – Ed. La Simarre
– TOURS mémoires d’une ville – Ed. Alan Sutton 2013

– Archives municipales de Tours
PONTS DE TOURS – Traversée des fleuves et des ruaux du Moyen-Age à nos jours (Musée des Beaux-Arts de Tours, 1978-1979)
– La Nouvelle République du Centre-Ouest du 8 juillet 1960

– Geneanet
– Wikipedia
– collection cartes postales Liliane Létard

4.8 4 votes
Évaluation de l'article
Partager via :
S'abonner aux commentaires
Me notifier des
guest

3 Commentaires
plus anciens
plus récents
Inline Feedbacks
View all comments
michelle martin
michelle martin
2 années plus tôt

Je trouve très intéressant mais je recherche des renseignements sur les Habitants de l’ILE SIMON car certaines personnes avaient fait des constructions. Personnellement un de mes Grands Oncles et son épouse (couple DURET-FOUGERAY) commerçants Avenue de la Tranchée.avaient une résidence secondaire.J’ai quelques photos : de la maison et de moi (j’avais peut-être 4 ou 5 ans).Les maisons ont étaient détruites car il n’y avait pas de droit de construire dans l’Ile Simon .Vous pouvez m’appeler pour d’autres renseignements afin que nous travaillons ensemble pour continuer cette histoire ? Merci pour votre travail. Michelle MARTIN : Tél : 02 47 86… Lire la suite »

Sosaline
Sosaline
2 années plus tôt

Toujours aussi passionnant!!!!

Groussin
Groussin
1 année plus tôt

Merci pour cet éclairage sur les l histoires des ponts de fils de Tours. J ai découvert que le pont Napoléon avait eu un prédécesseur sous forme de pont de fils egalement. Maintenant j y penserai à chaque fois que je l emprunte. Beau partage sur le patrimoine local. Bravo.