
Article rédigé par Evelyne LÉTARD et
Guy ROUSSEAU
Centre Généalogique de Touraine
Dans le calendrier, le mois de septembre occupe une place particulière : c’est la fin de l’été, le début de l’automne et après deux mois de vacances, la reprise d’un bon nombre d’activités et on ne peut passer sous silence la rentrée scolaire. C’est alors que de nombreux souvenirs de cette période nous reviennent à l’esprit. Les années passées à l’école primaire ont été ponctuées par des moments que nous n’oublierons jamais.
Dans le petit village où j’ai fait mes premiers apprentissages, les temps forts de l’année étaient marqués par un événement exceptionnel : une projection cinématographique. Elle avait lieu dans une salle communale qu’on appellerait aujourd’hui salle polyvalente où se déroulaient tous les événements de la vie du village : marché hebdomadaire, manifestations culturelles, bal du 14 juillet… Nous attendions ce moment avec une grande impatience et nous consentions un effort de discipline tout particulier pour ne pas prendre le risque de voir la séance supprimée.
L’instituteur se chargeait de porter la précieuse caisse en bois qui contenait le projecteur Bell et Howell. Nous espérions tous être choisis pour se voir confier les boîtes des bobines.
C’est au cours de ces projections que j’ai découvert les films de Pagnol, Crin Blanc cheval sauvage de Camargue que seul un petit garçon réussit à apprivoiser…
A l’école de Château-Renault

« Le 1er avril 1931, les 220 élèves de l’école de garçons assistent dans la salle commune à la projection de « Don Quichotte de la Mancha » ; Stéphane PITARD, jeune instituteur de 23 ans, surveille seul dans sa cabine, la marche du projecteur quand soudain, une des bobines s’enflamme et occasionne un début d’incendie. En précipitant le projecteur vers le bas de l’étroite cabine, le maître d’école aurait sans doute pu se sortir de la souricière, mais sentant que ce geste pouvait avoir la terrible conséquence de voir des enfants brûlés, le maître d’école essaie d’éteindre le feu avec ses vêtements. Des flammèches tombent alors sur les autres bobines et c’est l’embrasement général de la cabine. Il se trouve alors au milieu des flammes et respire à pleins poumons la fumée de combustion des films au nitrate. Pendant ce temps, les autres instituteurs présents font sortir les élèves de la salle. Brûlé au visage aux bras et aux jambes, Stéphane Pitard s’échappe de la cabine et se rend à l’appartement de son directeur, où un médecin lui prodiguera les premiers soins. Après d’horribles souffrances, il décèdera trois jours plus tard. Plus de 2000 personnes assisteront à ses obsèques, pendant lesquels de vibrants hommages lui seront rendus. A titre posthume il recevra la médaille d’or des Belles Actions et la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Des écoles et des rues de la région portent aujourd’hui le nom de Stéphane Pitard en souvenir de cet enseignant victime de son courage et de son abnégation. » (La Nouvelle République)
Les échos dans la presse locale de l’époque
Le peuple du 12 avril 1931 (organe quotidien du syndicalisme) :
Qui donc disait que les temps héroïques étaient passés ? chaque jour protestent contre la goguenarde formule les actes de dévouement individuel qui sont fleurs d’héroïsme et du meilleur. La plupart du temps ils émanent de cette âme populaire qui dédaigne les panaches de la publicité et se plaît aux labeurs de patience et sans gloire. Il serait absurde parce que profondément injuste de réserver le monopole du dévouement à une classe, un parti, une opinion. Ce sectarisme que Jaurès détestait et contre lequel, à maintes reprises, il mit en garde le prolétariat nous le laissons volontiers aux adversaires de la démocratie entêtés à ignorer ou diminuer les belles actions quand elles ne sont pas signées par un des leurs. Mais n’y a-t-il pas chez nous une espèce de parti-pris de pudeur qui nous empêche de rendre l’hommage éclatant dû à ceux des nôtres qui ont scellé leur destin d’héroïsme ? Je ne crois pas que l’on ait exactement mesuré la beauté du sacrifice auquel s’est voué l’autre jour à Château-Renault , un jeune instituteur de vingt-trois ans, Stéphane PITARD. Le nom patronymique manque de relief. Il est composé de deux syllabes modestes sans prétention, sans reflet. C’est désormais un des plus nobles noms de France, blasonné de simple héroïsme, avec une couronne très pure qui tient du martyre. Délibérément, dans une minute décisive, Stéphane PITARD accepta le martyre, jeta sa vie aux flammes, et fit le sacrifice pour sauver ses élèves. J’allais dire ses enfants. Sur le papier, ces choses paraissent à la fois ordinaires et emphatiques. C’est qu’il n’est rien de plus difficile que de choisir les mots correspondant essentiellement à des actes de cet ordre. Songez à la minute où le débat entre la chair, la guenille, l’instinct de vivre et la conscience surgit, se développe et se conclut. Les ivrognes trouvent la vérité dans le vin. Stéphane PITARD se trouva tout entier, découvrit toute son âme dans les flammes. Une minute. « Encore une minute, M. le bourreau ! » suppliait dans l’horreur du supplice, la pauvre créature échevelée qui avait été la reine de Louis XVI. Une minute. Toutes les heures promises à sa jeune vie, en une minute Stéphane PITARD les voua au néant dans un acte de foi, d’amour et d’héroïsme. Si les temps héroïques sont passés, l’école laïque peut proclamer, avec une douleur mêlée de fierté, la survivance de ses héros.
Parus dans La Dépêche – La Touraine Républicaine


enseignant d’Indre-et-Loire par Monsieur E. POIRIER-ALLIOT, ami personnel de Stéphane PITARD
Généalogie de Stéphane PITARD
Généalogie Georges DELPÉRIER
une histoire hélas peu connue,Si un jour vous passez rue Stéphane Pitard dans le quartier « febvotte-Marat »Ayez une pensée pour la personne ayant donné son nom à cette rue.
C’est vrai que je connaissais le nom de Stephane Pitard, car il a une rue à Tours… mais j’ignorais ce qu’il avait été. Un homme, jeune, courageux, malheureusement… Merci de nous l’avoir mieux fait connaître. HV
[…] Pour aller plus loin, voir l’article de Cercle généalogique de Touraine du 16 septembre 2021, ici. […]