
Article de +Jacqueline JOUANNET
du Centre Généalogique de Touraine


Né à Bourges le 3 juillet 1423 et mort le 30 août 1483 à Plessis-lez-Tours, Louis XI est roi de France de 1461 à 1483, sixième roi de la branche dite de Valois de la dynastie capétienne.
Un peu d’Histoire tourangelle
Louis XI fait son entrée dans nos murs le 7 octobre 1461 ; il laisse aussitôt voir la bizarrerie et l’impatience de son caractère despotique. On ne trouve pas de preuve de sa présence à Tours avant le 7 mars 1467 mais, à dater de cette époque, il vient tous les ans vers le mois d’octobre passer plusieurs mois au Plessis où il se livre à sa distraction favorite : la chasse.
Ce voisinage devient pour les Tourangeaux une occasion incessante de réquisitions de toutes sortes, d’emprunts et d’impôts forcés qu’ils ne supportent pas toujours patiemment : 500 bourgeois, armés et vêtus uniformément, doivent pendant le séjour du Roi monter la garde à tour de rôle aux portes et sur les murs de la ville afin de prévenir toute surprise. Il est interdit aux habitants de sortir de chez eux après huit heures du soir.
Louis XI oblige le corps de ville à faire venir des Liégeois enseigner à la garde civique le maniement des canons et le montage de batteries. Cette artillerie, qui coûte à la ville la somme considérable de 3.000 livres tournois, acquiert en quelques années un si grand développement que le Roi la fait amener à Paris pour la montrer aux Parisiens « laquelle belle artillerie de Tours est mise au château du Louvre ».
Econome jusque dans les plus petits détails dans son propre budget, il imagine un moyen peu coûteux de nourrir sa fauconnerie et ses meutes fort nombreuses en mettant les bouchers de Tours en réquisition permanente mais, très vite las de ces fournitures onéreuses, ceux-ci font une réclamation au corps de ville qui, par crainte de déplaire au Roi, s’empresse de leur accorder une sorte d’indemnité en les déchargeant de l’imposition due par leur corporation.
Louis XI se montre de plus en plus exigeant envers les Tourangeaux ; il aime passionnément la chasse et interdit ce passe-temps aux gentilshommes sous les peines les plus sévères : « il devient plus rémissible de tuer un homme qu’un cerf ou un sanglier ».
Le Roi ne connaît pas d’obstacles lorsqu’il s’agit de satisfaire sa passion favorite. Il fait construire un pont de bateaux sur le Cher en face du château du Plessis puis, successivement, quatre autres ponts de bois : le premier au travers des boires de Saint-Venant, le second vis-à-vis le monastère de Grandmont au-travers du petit Cher ; les deux autres « au travers des boires et de deça le bois de Plante pour le passer à aller à son bon plaisir dans les varannes de La Ville-aux-Dames et les bois de Lussaullt ».

Janvier 1471 : il met en réquisition les chevaux de la ville pour faire conduire son artillerie à Compiègne.
Le 12 février suivant, il continue ses réquisitions et demande aux gens des aides : faire fournir par la ville, aux maîtres de son artillerie, 100 chevaux de trait et 600 autres avec des charrettes.
26 juin : nouvel ordre d’envoyer en toute diligence de grandes provisions de vivres à ses camps.
Le 31 août, pareille réquisition ; de plus il demande 100 livres de fils d’arbalète, un millier de traits ferrés, des bois de lances. Mais cette fois la coupe est pleine ; les marchands de Tours refusent de se dessaisir de ces objets sans argent comptant, le corps de ville se voit forcé d’en assurer le paiement.
Vers le même temps, désirant sans doute obéir aux prescriptions de son médecin André COITTIER, il veut faire boulanger son pain avec de l’eau d’hysope. Aussitôt il envoie un trompil et un héraut dans les carrefours de la ville annoncer aux bourgeois et manants qu’ils ont à remettre pour l’usage du Roi toutes les dites eaux qu’ils peuvent avoir en leur possession. La ville doit solder, encore cette fois, la somme de 11 livres 5 sols.
Au registre des comptes de l’année 1477, une série de menues dépenses : d’abord une somme de 100 sols payée par ordre du Roi pour le transport de deux de ses chiens jusqu’à Bourges, dans une charrette à deux chevaux. Puis une autre de 40 sols, attribuée à des manants envoyés par tous les chemins et sur la rivière de Loire afin de s’emparer de gré ou de force de plusieurs oyseaultx de Turquie que des messagers portaient en Bretagne (deux jours après on les remet au roi).
Vers le commencement de l’année 1479, une idée singulièrement excentrique a germé dans le cerveau du redoutable protecteur de la ville de Tours : ayant eu à se plaindre des habitants d’Arras qui avaient osé braver son autorité, il les avait expulsés de leur cité dont il avait changé le nom et imposé celui de Franchise.
Il donne l’ordre au maire de Tours de choisir cinquante chefs de famille ou mesnagers afin de les envoyer le plus promptement possible repeupler Arras-Franchise. D’autres villes voisines (Chinon, Loches etc.) doivent également fournir leur contingent de chefs de famille, gens de métiers. Des réunions sont tenues à l’hôtel de ville. Peu de gens paraissent disposés à quitter leur pays. On tente de faire revenir Louis XI sur sa détermination, mais il se montre intraitable et, le 4 juillet 1479, le corps de ville reçoit des lettres patentes lui signifiant de lever un nouvel impôt destiné à couvrir pendant deux mois toutes les dépenses d’équipement, de nourriture et d’entretien des cinquante ménages. Les corporations, fort embarrassées, désignent à l’élection un ou deux de leurs membres les mieux disposés à s’expatrier puis décident de choisir, parmi les moins favorisés de la fortune, ceux dont le nombre des enfants ne dépasse pas le chiffre de 4. Le rôle de la dépense d’entretien de chacun des colons, femmes, enfants, valets et chevaux pendant deux mois atteint le chiffre de 1.653 livres tournois, ce qui établit le chiffre de la journée à 2 sols 6 deniers. Au moment de se mettre en route sous la direction de deux échevins les colons reçoivent un secours pécuniaire de leurs corporations respectives.
Deux marchands, l’un d’Angers et l’autre de Tours, sont envoyés par le maître d’hôtel de Louis XI pour les recevoir et les installer à Arras. Après un examen sommaire, ces marchands renvoient à Tours quatre des chefs de famille et demandent à la municipalité de les remplacer par des orfèvres, des drapiers, des pelletiers et des bouchers. Les deux premiers mois écoulés, ces colons tombent dans la plus profonde misère, l’ouvrage sur lequel ils comptaient leur fait complètement défaut. On impose de nouvelles taxes pendant plusieurs années sur les habitants de Tours, afin d’aider et subvenir aux besoins de ces malheureux expatriés qui, finissant par se décourager, reviennent la plupart dans leur ancienne patrie.
L’année suivante, en mars 1480, Jean de COUTANCES, maire de Tours, reçoit un message du Roi qui confie à sa garde Simon de QUINGEY, protégé de Charles le Téméraire, fait prisonnier au siège de Verdun-sur-Saône et enfermé dans une cage en fer. Voulant donner une entière satisfaction à cette nouvelle exigence du roi qui constitue encore une fois geôlier le maire de Tours, le Conseil de ville décide le 11 mars que la cage de fer qui renferme le captif doit être transportée dans la maison même du maire et mise sous la surveillance des clercs de la ville.
Après un mois de captivité le prisonnier se plaint très fort, inquiet de sa santé, Louis XI envoie en toute hâte son maître d’hôtel afin de s’assurer de son état et le faire déferrer de la chaîne à serrure qui lui blesse la jambe. Cet ordre apporte un peu d’adoucissement dans l’état du captif ; la cage est exhaussée de façon qu’il puisse y tenir debout, sa santé s’améliore et ne donne plus d’inquiétude.
Bientôt il prend fantaisie au Roi de le faire amener au Plessis sans le faire sortir de sa cage. Des maçons pratiquent des ouvertures dans la maison du maire afin de pouvoir sortir cette cage de fer, qui est conduite au Plessis sur un chariot traîné par quinze chevaux. De QUINGEY reste trois jours au Plessis mais, n’ ayant sans doute pas voulu souscrire aux propositions du Roi, il est ramené à Tours et le maire, dans l’espoir sans doute de ne plus loger ce malheureux hôte de Louis XI et trop empressé de faire réparer sa maison, se voit encore une fois obligé d’en faire ouvrir les murs.

Simon de QUINGEY demeurera dans cette prison pendant un assez long temps et ne recouvrera sa liberté qu’après l’avènement de Charles VIII en 1483
Les dernières années du règne de Louis XI sont des plus calamiteuses pour notre ville ; il n’en est pas entièrement responsable, ne pouvant pas manipuler ces événements. Vont se succéder des intempéries ruinant les campagnes ; la disette se fait sentir et, au début de 1482, elle dégénère en famine. Le corps de ville dans le plus grand embarras ordonne des perquisitions dans tous les endroits où l’on suppose qu’il peut y avoir des réserves de grains. A la fin de l’année, cet état de chose commence à s’améliorer lorsqu’une épidémie de fièvre chaude ou raige (rage) de tête s’abat sur la ville.
Après deux atteintes successives de paralysie, Louis XI devenu plus soupçonneux que jamais ne s’éloigne plus de notre pays. « Il se clore, tout à l’entour de sa maison de Plessis-lez-Tours de gros barreaux de fer en forme de grosses grilles et aux quatre coins de sa maison il fait placer quatre moineaux de fer, grands, bons et espais » (ces moineaux sont de petits bastions plats qu’on place ordinairement sur le milieu de grands murs). Il s’enferme, se fait garder, est en peur de ses enfants et de tous ses proches parents, il change de jour en jour ses serviteurs qui l’ont nourri.
Il meurt le 31 août 1483 et ses obsèques sont célébrées à l’église de Saint-Martin. De là, selon sa recommandation expresse, on conduit sa dépouille dans l’église de Notre-Dame de Cléry où il avait lui-même, de son vivant, fait préparer son tombeau.

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Mais tout n’a pas été négatif : il ne faut pas oublier…
La relation de Louis XI avec Tours
Dès les premières années de son règne, Louis XI a travaillé avec une grande activité au développement de l’industrie manufacturière en France.
Il songe à doter ses bons amis les Tourangeaux d’une industrie qui, malgré l’opposition qu’elle trouve d’abord parmi eux, va être dans la suite la source de leur richesse. Dans ce but, il commande à son trésorier de Nîmes de choisir un certain nombre d’ouvriers habiles dans l’art de fabriquer des draps de soie et de les envoyer à Tours. Ils arrivent au nombre de dix-sept.
En 1546, Tours compte 8000 métiers à tisser et devient capitale de la soie et le château du Plessis-lès-Tours le premier lieu emblématique d’implantation de mûriers.
Louis XI ordonne que les principaux habitants fassent entre eux une association afin de faire travailler ces ouvriers et fixe lui-même, le 14 juin 1470, à 6000 écus la somme nécessaire pour commencer cette entreprise. Le maire et les échevins chargés de faire exécuter cet ordre rencontrent une sourde résistance de la part du clergé et de la bourgeoisie. Ils supplient alors le Roi de réduire l’apport à 4000 écus, mais il fait la sourde oreille et demeure inflexible.
Devant ce refus les élus envoient des députés au Roi pour lui exposer leur embarras. Cette démarche a pour résultat de faire établir, aux frais de la cité, les ouvriers en soie dans des maisons de la rue Monfumier (actuelle rue Constantine) ; la ville doit aussi fournir les meubles et ustensiles nécessaires à leur profession, ce qui coûte 1200 écus (24 juillet 1470). Les travaux avancent, mais avec une avance minime ; aussi les premières pièces d’étoffe fabriquées et vendues pour le remboursement des avances faites par les associés ne suffisent pas à couvrir l’achat de la soie et les frais d’installation. Ce résultat accroît le découragement des intéressés, mais la volonté de Louis XI est inébranlable : grâce à son opiniâtreté et aux privilèges qu’il accorde quelques années plus tard aux ouvriers en soie, la ville de Tours est dotée d’une industrie qui ne tarde pas à acquérir une très grande importance.
Sources :
– Gallica : carte de la ville de Tours et ses environs
– Eugène GIRAUDET (Histoire de la ville de TOURS. Ed. Culture et Civilisation, Bruxelles 1976)
– Touraine Généalogie : article paru dans le n° 120 du 4ème trimestre 2019
Très beau prélude aux commémorations du 600ème anniversaire de la naissance de Louix XI
Article très intéressant, et extrêmement documenté !
Présentation intéressante dans la mesure où elle sort des textes habituels sur Louis XI et présente ses relations avec les habitants de la ville de Tours.