Conseils des Ministres pendant l’exode

Article d’Evelyne LÉTARD et Guy ROUSSEAU.

Le château de Cangé, situé à Saint-Avertin près de Tours, domine la rive sud du Cher. Il a été construit au XIIIème siècle par une famille tourangelle, les d’ANDIGNÉ. Ancien fief érigé en châtellenie au cours du XVIème siècle, il relève alors de l’Archevêché de Tours.

Le château actuel a été bâti aux XVème et XVIème siècles, à l’emplacement d’une ancienne forteresse. En 1489, Jean de CONIGHAM, conseiller et chambellan du roi, capitaine de la garde écossaise, l’achète pour 37.400 livres et ses descendants seront seigneurs de Cangé jusqu’en 1663. Le château a été transformé en manoir à la Renaissance.

BALZAC est venu à Cangé en 1832 chez son ami de collège Eugène de RICHEMONT, dont le père venait d’acquérir la propriété.

Cangé a été successivement occupé par Jean Pierre Gilbert IMBERT de CHASTRES (ca 1682-1746), seigneur de Cangé et maire de Tours de 1723 à 1727, ainsi que par cinq maires de Saint-Avertin : Louis-Joseph du PLESSIS-MAURON de GRENÉDAN (1807-1811), Edmond VIOT-PRUDHOMME (1819-1830), le baron Paul de RICHEMONT (1847-1870), Maurice COTTIER (1871-1881) et le comte Paul de POURTALÈS (1906-1911), avant d’être réquisitionné par le gouvernement en 1938.

La Touraine, lieu de repli

Déjà sous la Restauration, il était prévu de faire de Tours une base de repli, raison pour laquelle elle est devenue une ville de garnison. En 1870, Léon GAMBETTA quitte la place St-Pierre au pied de la butte Montmartre à Paris à bord d’un ballon et après un périple de 2 jours il arrive à la gare de Tours. En 1914, le gouvernement passe par Tours avec l’idée d’aller à Bordeaux mais avec le sursaut de la bataille de la Marne il est retourné à Paris.
10 juin 1940 : l’armée française est en pleine déroute, les troupes allemandes sont aux portes de la capitale. Tout le Gouvernement quitte Paris pour s’installer en Touraine. Le château de Cangé est réquisitionné pour le Président de la République Albert LEBRUN. Les ministres sont éparpillés sur tout le territoire départemental : Paul REYNAUD président du Conseil est installé au château de la Ménaudière à Chissay-en-Touraine, Philippe PÉTAIN vice-président à Athée-sur-Cher, Charles de GAULLE sous-secrétaire d’État à la Guerre à Azay-sur-Cher, les finances à Chinon… Le personnel de l’Élysée loge à Saint-Avertin chez des particuliers.
Le château est réaménagé pour faire office d’Élysée-bis où vont s’y tenir les 12 et 13 juin deux conseils des ministres.


Les deux derniers conseils des ministres de la IIIème République s’y déroulent les 12 et 13 juin 1940

– Le 1er Conseil est ouvert par le président de la République française Albert LEBRUN. L’ordre du jour tourne autour de la réponse à donner à la question : « Faut-il continuer le combat ou mettre fin aux hostilités en demandant l’armistice ? »
Le président du Conseil Paul REYNAUD puis le général WEYGAND prennent successivement la parole ainsi que les différents ministres. La séance est levée vers 23 h : aucune décision n’a été prise.
– Le lendemain, jeudi 13 juin, Paul REYNAUD ouvre la séance du 2ème Conseil des ministres en résumant son entretien avec le Premier Ministre britannique Winston CHURCHILL qu’il a rencontré à la préfecture de Tours. Ce Conseil se termine avec l’accord qu’aucune décision au sujet de l’armistice ne serait prise (conformément à ce qui avait été convenu entre CHURCHILL et REYNAUD au Conseil Suprême) avant de recevoir une réponse du Président des Etats-Unis Franklin Delano ROOSEVELT ; laquelle réponse négative parviendra au président du Conseil le 14 juin ; à la suite de quoi Paul REYNAUD démissionne le 16 juin au profit du maréchal PÉTAIN.

Au château de Cangé, à l’aurore du vendredi 14 juin 1940, les services de la présidence savaient que depuis 5 h 35 les Allemands étaient entrés dans Paris. Le Gouvernement ne pouvait maintenant que quitter la Touraine, comme décidé la veille à l’unanimité en second Conseil des ministres. C’est un départ en direction de Bordeaux et les ministres furent informés que le Gouvernement « fera mouvement » à partir de 10 h.

L’armistice est signé le 22 juin et Cangé est immédiatement occupé par un état-major de l’aviation allemande (la Luftwaffe), avant d’accueillir des réfugiés à la Libération et être ensuite abandonné après la guerre.

Le château est ravagé par un incendie dans la nuit du 20 au 21 juin 1978. La municipalité de Saint-Avertin acquiert finalement le domaine en 1980 ; le vaste parc et les dépendances sont petit à petit remis en état. Après deux ans de rénovations, le château est réhabilité en une médiathèque moderne respectant l’architecture ; elle a ouvert ses portes le 28 décembre 2012.


Jean-Marie HARDION

Le château de Cangé a été remanié en 1892 pour le comte de POURTALES par l’architecte Jean-Marie HARDION (1858-1932), architecte diocésain.

Extrait de la généalogie de Jean-Marie HARDION, Tourangeau architecte des monuments historiques

Sources :
– Faits d’hier en Touraine de Pierre AUDIN – éd. C.L.D. 2002

– Wikipedia
– TOURS, 2000 ans d’histoire de J. Chevtchenko, F. Dufrêche, J-L Girault, J-L. Porhel et R. Rech – Ed. La Simarre 2019
– compagnie-acmh.fr
Albert LEBRUN Président de la République Française de Michel Ramette éd. de la Morelle
– photos E. Létard 2014 Nature en Fête

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VAGNINI Hélène
1 année plus tôt

très bel article. Merci. Hélène V.

Claude christ
Claude christ
1 année plus tôt

Pour en savoir plus, lire le livre de Michel Ramette : « Albert Lebrun Président de la République Française et les deux conseils des ministres au château de Cangé »
Edition de La MORELLE, paru en 2019.