K comme… KORAÏCHI Rachid et le Jardin d’Orient


Article de Catherine BAS-DUSSEAULX
du Centre Généalogique de Touraine

Là-bas, tout en haut, dominant le jardin du château royal d’Amboise, se dresse un petit mausolée carré de 3 mètres de haut qui attire le regard.
Il s’agit d’un monument achevé en juin 1853, afin de veiller à la mémoire des 25 personnes mortes à Amboise et faisant partie de la suite de l’émir ABDELKADER qui est arrivé à Amboise en novembre 1848 après sa défaite face aux Français, lorsqu’après quinze années de résistance farouche et de guérilla incessante, il a dû se rendre.

Le jardin du souvenir au château d’Amboise. © Photo NR

Pour tous ces gens déracinés, les premiers temps en Touraine sont très difficiles. Un nourrisson meurt dès le 19 novembre 1848. Le neveu de l’émir décède peu après. On autorise alors les inhumations dans le cimetière d’Amboise. Mais quelques Amboisiens sont trop curieux et dérangent les obsèques. Cela suscite l’émotion et les autorités françaises décrètent alors que ces enterrements pourront se faire dans le parc alors boisé, à cent mètres du château, et les premiers corps y seront transférés.

Puis pendant plus d’un siècle cet endroit fut plongé dans l’oubli, mais le destin veillait !

En effet un jour l’artiste algérien Rachid KORAÏCHI, qui réalise un jardin dans le cadre du Festival des jardins de Chaumont, vient visiter ce lieu de sépultures à Amboise et soumet l’idée d’y créer un Jardin du souvenir pour redonner de la dignité à ces personnes oubliées. Un accord est trouvé avec le ministre de la Culture, Jean-Jacques AILLAGON, pour que l’État prenne en charge la conception artistique, alors que la Fondation Saint-Louis, propriétaire du château, s’engage pour la conception technique.

Le Jardin d’Orient est inauguré en 2005.

Ce lieu de mémoire est composé de vingt-cinq petites pierres carrées de 49 cm de côté. Elles symbolisent le cube de la Kaaba, pour ces Musulmans morts à Amboise et qui n’ont pas pu faire leur pèlerinage dans ce lieu sacré qu’est La Mecque.
Chaque stèle est surmontée du nom d’un des morts, ciselé dans le métal pour que l’ombre créée par le soleil le dessine sur la pierre.
Le jardin est bordé de sept cyprès, comme sept gardiens, et une ligne de romarins montre la direction de La Mecque.

Les petites stèles sont en pierre d’Alep, en Syrie, tout comme les témoins de bronze calligraphiés qui les surmontent, comme un lien avec le pays où repose Abdelkader. Ce détail est aussi important quand on connaît la destruction d’Alep lors de la guerre civile de 2012 à 2016 (Rachid Koraïchi n’a d’ailleurs pas pu rétablir de contact avec ces tailleurs de pierre dont l’œuvre est désormais ancrée à Amboise).

Aujourd’hui, le Jardin d’Orient du château d’Amboise est devenu pour certains visiteurs un lieu de contemplation, de méditation, un peu à l’écart de l’effervescence touristique qui règne autour du bâtiment. C’est aussi un lieu de recueillement unique en son genre.[1]


Ce lieu n’est donc pas seulement un cimetière mais aussi un monument en l’honneur de l’émir, qui n’est pas que le symbole de la résistance algérienne contre l’occupation française mais également celui de la tolérance religieuse dans le monde.[2]

L’auteure tourangelle Martine LE COZ en a fait un livre, titré simplement Le Jardin d’Orient.

« Le spirituel, l’histoire et la poésie sont toujours au premier plan, dans les livres de Martine Le Coz.
Dans Le Jardin d’Orient, elle utilise une écriture éblouissante de poésie et d’élégance et nous aide à parvenir à un monde d’universelle sagesse. Elle nous parle de la ville où elle vit, Amboise, mais en 1848 quand l’émir Abdelkader y est retenu en captivité, au château, c’est l’occasion pour Martine Le Coz de dire son admiration devant cet homme d’exception qui fut un grand chef pour son peuple, un grand guerrier qui a résisté à la France pendant dix-sept ans, un érudit et un grand mystique.
Martine le Coz nous décrit les relations que ce personnage hors du classique a su nouer avec les gens qu’il a côtoyés dont le curé d’Amboise, l’Abbé Robion ; tous ont été marqués par sa dignité, sa sagesse et la force de ses propos qui sont pour nous tous un message de paix, de justice, de fraternité, à la recherche de la vérité absolue. » [3]


[1] Le cimetière musulman du château d’Amboise / architectureanecdotes
[2] Un lieu unique en France de recueillement et de sépultures (lanouvellerepublique.fr)
[3] Analyse du livre LE JARDIN D’ORIENT de Martine LE COZ (crcrosnier.fr)

Documentation rassemblée par Catherine BAS-DUSSEAULX (CGDT-139)

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