
Article de Catherine BAS-DUSSEAULX rédigé avec la collaboration d’André BORDAT, Georges DAMNET, Philippe MIRANDA, Marie-Thérèse RIVIÈRE et Jean SIMON – Paru dans le Touraine Généalogie n° 6 – 2ème trimestre 1991 p198 Rubrique « La Gazette des Paroissiaux »
Notre mémoire nous permet d’évoquer la rigueur de certains hivers, et même de parler au quotidien de celui que nous venons de vivre.
Mais la mémoire collective de notre pays porte aussi la trace d’hivers bien plus rigoureux encore, sans compter les nombreuses catastrophes climatiques en tous genres. C’est ainsi que :
L’année 1692 fut si mauvaise qu’à Champigny (41) « on fut contraint de faire vendanges à la Saint-Denis » (9 octobre) et même « à la Saints-Simon-et-Jude » (28 octobre). De plus « comme les raisins étaient aussi mûrs en le mois d’octobre comme à la Saint-Jean », « on ne scavait de quelle manière on devait faire… On appela l’année 92 l’année des vins verds ».
Quant à l’hiver 1709, de sinistre mémoire, le curé de Saint-Épain raconte que « dans l’année 1709 le 6ème janvier est arrivée une très grande punition de Dieu à cause de nos péchés et qu’il a gelé entièrement tous les noyers de l’univers comme aussi tous les bleds »

Celui de Rochecorbon note que le sol fut recouvert de neige du 6 janvier au début de février, puis de nouveau 15 jours en février. Les arbres fruitiers ont gelé, même les très gros, « les amandiers et les pêchers » aussi.
Dans la nuit du 14 au 15 mars 1751, il y eut un ouragan tel qu’il « a fait culbuter beaucoup de cheminées et d’arbres » à Azay-sur-Indre, et que la tempête a été « si violente qu’elle a renversé par terre la flèche et toute la charpente du chœur de l’église de Saint-Bauld ainsi que plusieurs autres clochers et bâtiments de Touraine » et que durant cette année-là « les pluies ont été abondantes et (qu’)elles ont malheureusement causé une grande disette ». Le curé Berger de Saint-Bauld ajoute : « Que Dieu veuille préserver son peuple d’une pareille misère ».
De septembre 1787 à avril 1788, les pluies furent si abondantes que les raisins verts ont pourri. Et puis, toujours à Mosnes « le 13 juillet 1788, après d’excessives chaleurs, le temps ici s’obscurcit vers les cinq heures et demi du matin et, à six heures, les nuages, formant une masse énorme, semblaient toucher la terre. Bientôt sortirent de ces nuages des milliers d’éclairs et le tonnerre ne se faisait entendre que comme des coups distincts de canon sans écho à six lieux et demie. La grêle, sans pluye, se déclare et sans vent heureusement. Vous eussiez dit des montages de glaçons qui tombaient… les moindres étaient d’un pouce cube armés de pointes comme des croix de Saint-Louis et durs comme le cristal ».
Pour couronner le tout l’hiver s’annonce dès le mois d’octobre et « vers le 25 novembre le vent du nord s’éleva assez violent pour que dans cinq jours la Loire fut entièrement prise par les glaces…Les moulins cessèrent de tourner et on fut dans les environs sans pain pendant près de huit jours… La rigueur du froid devint si extresme que dans les premiers jours de 1789 le thermomètre baissa jusqu’au 18ème degré de congellation, ce qui fait 4 degrés plus qu’en 1709 ».
Pendant le même hiver à Douadic (36), il est consigné sur le registre : « Cette année sera à jamais mémorable par son cruel hyvert. Il fera certainement époque et il a été de nature à faire oublier l’an 1709 communément appelé l’année du grand hyvert ».
Le sol a été couvert de neige du 4 décembre au 20 janvier, les étangs de la Brenne ont gelé, les poissons ont été détruits, les moulins ont été arrêtés, les arbres ont gelé, « le vin a gelé pendant plusieurs fois dans le calice », et de plus « la mortalité a été considérable en quantité d’endroits et notamment dans cette paroisse, presque tous ont été malades et grand nombre ont été victimes de la dureté de la saison ».
Quels hivers !
