Une vigne en héritage : de Louise à Barbara, par les mains des femmes

Article de Monique GROUSSIN,
trésorière du
Centre Généalogique de Touraine

En 1735, dans la vallée de la Loire ensoleillée, Louis BERGER vit le jour. Fils de vigneron, il reprit très jeune les terres familiales. Passionné par la vigne, il y consacra sa vie, creusant la terre à mains nues, observant les caprices du ciel, et apprenant à lire le langage des ceps.

Sa fille Louise, troisième de ses quatre enfants née en 1773, grandit les pieds dans les rangs de vigne.
À une époque où les terres passaient presque exclusivement de père en fils, Louis fit un choix audacieux : il forma Louise comme un garçon, lui léguant tous ses secrets de culture, de taille et de vinification.
Quand il mourut, ce fut elle qui reprit la vigne – première femme de la lignée à en avoir la charge.

Louise transmit la vigne à sa fille, Louise COCHON née en 1804, qui l’agrandit un peu, planta de nouveaux cépages. Elle aussi forma la femme de son fils René BLOT, sa belle-fille Anne GALBRUN née en 1839 qui affronta avec courage les crises du phylloxéra au XIXème siècle. Anne sauva une partie du vignoble en greffant les ceps de « cabernet franc » sur des pieds américains, s’adaptant là où d’autres abandonnaient.

Cabernet franc

Elle aussi forma sa fille, Pauline Anne BLOT née en 1868, dans les sillons, elle qui tint bon durant les années de guerre avec ses filles Renée (°1893) et Madeleine HIVERT (°1897) et, tandis que les hommes étaient au front, récolta les raisins, soutenue par les autres femmes du village.

La vigne devint un symbole de résilience féminine, de résistance silencieuse.

Pauline Anne Blot et sa fille Renée Hivert vers 1930

À travers les générations, la vigne devint plus qu’un métier : une mémoire vivante. Chaque femme y ajouta sa touche – une nouvelle façon de tailler, une méthode de vinification plus douce, une manière de cueillir selon les lunes.

Vendanges familiales vers 1950

Dans les années 1920, c’est Renée HIVERT, arrière-arrière-petite-fille de Louise, qui tint bon avec ses deux enfants : Paul (né en 1917) et sa fille Laure (née en 1920) après le décès de son époux Félix LEMESLE en 1924 alors qu’elle n’avait que 31 ans. Elle a été soutenue et aidée par sa sœur Madeleine et son beau-frère Maurice BRETON.

Après le décès de Paul durant la 2ème Guerre mondiale en 1940, Laure LEMESLE devient l’héritière de sa mère en 1960.

Laure part s’installer à Tours après son mariage avec Roger MOREAU, mais elle conserve la vigne de ses ancêtres. Sa fille Monique (née en 1948), enfant, suivait sa grand-mère Renée  entre les rangs, tenant sa main tachée de terre et de jus de raisin. Elle écoutait les histoires de ses aïeules, racontées comme des contes : le jour où elle avait taillé le cep de travers, la pluie soudaine qui avait sauvé la vendange de 1921, la barrique oubliée qui avait donné un vin « plus rond que le soleil ».

En 1969, naissance de Barbara, fille de Monique et de Jean GROUSSIN. Enfant, elle suivait sa grand-mère Laure durant les vacances chez son arrière-grand-tante Madeleine et, comme ses ancêtres, elle a aussi sauté et galopé dans les rangs de vigne du Bourgueillois.

Ainsi, de Louise Berger à Barbara Groussin, descendante à la 8ème génération, la vigne ne fut jamais une simple exploitation agricole.
Elle fut un lien vivant entre les générations, un témoignage de la force discrète des femmes, et une terre nourrie autant par la sève que par la mémoire.

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Reau
Reau
1 mois plus tôt

Très belle histoire !

Claude christ
Claude christ
1 mois plus tôt

Bel exemple d’une généalogie qui dépasse la simple énumération d’une liste de personne.

Murzeau
Murzeau
29 jours plus tôt

Merci pour ce travail de recherche exemplaire. C’est émouvant de constater ce lien indéfectible transmis à chaque génération.

Barbara Groussin
Barbara Groussin
20 jours plus tôt

Une très belle histoire de transmission émouvante et bien illustrée. Merci maman!