S comme… Saint-Symphorien et L’Ange Gardien

Article rédigé par Patricia PILLORGER du Centre Généalogique de Touraine

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En remontant la rue Saint-Barthélemy, près du cimetière La Salle, à Tours Saint-Symphorien, une demeure située au 15-19 de la rue attire notre attention par sa singularité au milieu des maisons de ville plus classiques.

Il s’agit d’un immeuble d’un seul bloc, constitué de 3 pavillons sur 3 étages, chacun séparé par un bâtiment attenant sur 2 étages. Il n’est plus dans son état d’origine, des réfections et des modifications sont intervenues au fil des années.

Les pavillons situés à chaque extrémité sont décorés de sculptures en pierre autour des fenêtres et en bois sur le devant de la charpente. Les inscriptions sous les médaillons situés de chaque côté des fenêtres du 1er étage sont lisibles : « ART FUNERAIRE » et « MARBRERIE » pour celui de gauche, « ARCHITECTURE » et « SCULPTURE » pour celui de droite.

Pour le pavillon situé au milieu, l’ornementation est plus sobre, seule une inscription « À L’ANGE GARDIEN », située sur le devant de la charpente, est visible.

Les différentes inscriptions me permettent d’envisager un lien avec le sculpteur, Charles COUSSIN, auteur de nombreux monuments funéraires visibles dans le cimetière La Salle de Tours, situé à quelques pas de l’immeuble.

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La consultation du cadastre et de la matrice des propriétés bâties permet de retrouver plusieurs informations concernant l’immeuble. Située en parcelle n° 988bis de la section A de Saint-Symphorien, la construction de cette maison s’est achevée en 1884 ; elle est mentionnée comme « nouvelle » et son propriétaire est Charles COUSSIN.

En 1872, Charles COUSSIN est recensé comme « sculpteur », résidant boulevard Heurteloup à Tours.

Dans les annuaires d’Indre-et-Loire de 1875 à 1885 et la presse locale, Charles COUSSIN est répertorié comme « entrepreneur de monuments funéraires, marbrier, sculpteur », implanté à Tours et à Saint-Symphorien extra.

Les recherches aux Archives départementales sur le sculpteur Charles COUSSIN conduisent à la consultation de documents liés à la création d’une société en 1882 et à un jugement de faillite en 1884.

La société créée par Charles COUSSIN le 1er avril 1882 en association avec Sylvain VERON, maçon installé à Amboise, est déclarée pour l’activité de « construction et décor de monuments funèbres, la vente en gros et en détail d’objets de sculpture, de couronnes, de croix, de cheminées en marbre, en un mot, tous les articles dont se charge la maison connue à Tours sous le nom de « À l’Ange Gardien » qui était exploitée par Monsieur COUSSIN ainsi que la construction des maisons ».

En date du 25 juillet 1884, le Tribunal de commerce de Tours déclare la mise en faillite du sieur Charles COUSSIN, sculpteur situé à Saint-Symphorien extra. L’inventaire de l’immeuble et des terrains attenants, situés route du cimetière à Saint-Symphorien extra, avec le détail du mobilier, du matériel et des marchandises de chaque espace, est réalisé sur plusieurs jours.

Une nouvelle mise en faillite est déclarée le 28 janvier 1890 ; le jugement du 5 septembre de la même année clôture définitivement l’activité de Charles COUSSIN au motif « d’insuffisance d’actifs ».

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L’inventaire de 1884 permet d’identifier l’agencement de l’immeuble situé route du cimetière à Saint-Symphorien.

L’un des pavillons de l’immeuble est la maison d’habitation du couple. Au rez-de-chaussée, il y a une pièce donnant sur la rue, servant de salon, contenant une table, 6 chaises et 2 jardinières d’angles, séparée par un couloir conduisant à une pièce donnant sur la cour, servant de cuisine, contenant une table, 4 chaises, un placard avec une batterie de cuisine et de la vaisselle. Au 1er étage, il y a une pièce à l’utilisation de chambre à coucher avec un lit, deux tables de chevet, une commode, une table de toilette, un guéridon ainsi que la garde-robe de Monsieur et celle de Madame, au-dessus de la chambre, une mansarde où sont entreposés des objets et en dessous de la cuisine, une cave où des bouteilles y sont conservées.

Le vestibule du second pavillon, celui qui porte une inscription « À L’ANGE GARDIEN », sert à l’accueil des clients avec des vitrines de présentation, des modèles en plâtre et autres marchandises. Le rez-de-chaussée du troisième pavillon sert de bureau qui contient un bureau caisse, 2 chaises, une table à dessiner, un tabouret haut et un placard avec les livres et papiers comptables. Le reste de l’immeuble, du rez-de-chaussée au grenier, est réparti entre magasin de stockage du matériel et des marchandises, et l’atelier de sculpture.

Dans cet inventaire, la garde-robe et les effets personnels du couple sont mentionnés :

  • Monsieur : 6 chemises, 3 pantalons, 2 paletots, 1 pardessus, 2 gilets, 6 paires de chaussette, 2 cravates, 6 mouchoirs de poche, 1 montre en or et sa chaîne en or, 1 médaillon, 2 paires de chaussures et 1 lot de divers vêtements à usage personnel.
  • Madame : 3 robes d’été et d’hiver, 4 jupons blancs et de couleurs, 6 paires de bas, 6 mouchoirs de poche, 1 visite, 1 paire de boucles d’oreilles, 1 bague, 2 paires de chaussures et 1 lot de divers vêtements à usage personnel.

Celle de Monsieur est évaluée pour la somme de 100 francs et celle de Madame pour 50 francs.

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Charles COUSSIN est né le 18 janvier 1846 à Saumur (49) de père et de mère inconnus ; il lui a été donné pour prénom et nom : Charles ALBERTI.

Le 21 avril 1847, un acte de reconnaissance sous le nom de Victor COUSSIN est enregistré à Angers (49) dans lequel Andrée COUSSIN, couturière, 37 ans, reconnaît l’enfant. Elle déclare qu’elle a déposé un nourrisson le 11 septembre 1846 dans la cour de l’hôpital général et qu’il a été déclaré le lendemain sous le nom de Victor VALPIN.

En date du 12 septembre 1846, un acte de naissance pour un enfant exposé au nom de Victor VALPIN est enregistré sur la déclaration d’un employé de l’administration de l’hospice de la ville d’Angers. Il y est précisé qu’il est du sexe masculin, qu’il paraît âgé de 7 mois, qu’il est vêtu « d’une robe de coton rayé rouge et gris, la taille dindienne rose à petits dessins, une chemise, un bonnet de rosnoir garni de dentelle noire, une paire de bas de coton bleu, le tout bon ». Il y a également un billet sur lequel est inscrit « Pitre âgé de 7 mois, il a été baptizé ».

L’enfant, remis avec ses effets à la sœur chargée du placement, est immédiatement reporté dans le registre des enfants entrés au dépôt d’Angers. Le même jour, il est mis en nourrice chez Joseph GACHET, à Mouliherne (49), à une trentaine de kilomètres au nord-est de Saumur.

Le 26 avril 1847, l’enfant, âgé de 15 mois, quitte ses parents nourriciers et est remis le même jour à sa mère naturelle, Andrée COUSSIN, ouvrière à Angers, suite à l’acte de reconnaissance du 21 avril 1847.

Le 27 août 1866, alors que Charles est âgé de 20 ans, Andrée COUSSIN reconnaît par acte notarié à l’étude Maitre LORIOL de BARNY, notaire à Angers :

  1. comme étant son fils naturel, l’enfant Charles ALBERTI né le 18 janvier 1846 et inscrit issu de parents inconnus dans les registres de l’état civil de Saumur
  2. que Charles ALBERTI est le même enfant qui a été exposé le 11 septembre 1846, déclaré sous le nom de Victor VALPIN, et qu’elle a reconnu le 21 avril 1847 sous le nom de Victor COUSSIN.

En conséquence, ledit Charles ALBERTI, dit aussi Victor VALPIN, aujourd’hui sculpteur jouit du bénéfice de cette reconnaissance en portant le nom de sa mère « COUSSIN ».

Charles Alberti COUSSIN, 21 ans, chef d’atelier domicilié de fait à Hommes et de droit à Angers, épouse Augustine SABOT, 18 ans, le 3 juin 1867 à Chinon.

Charles et Augustine COUSSIN, dont l’union est sans postérité, sont recensés :

  • en 1872, 142 boulevard Heurteloup à Tours,
  • en 1875, 111 rue Colbert à Tours,
  • en 1878, 11 rue des Jacobins à Tours,
  • en 1884, route du cimetière à Saint-Symphorien,
  • en 1897, 21 avenue Baudin à Limoges (87).

Charles décède, âgé de 45 ans, le 3 octobre 1897 à Limoges. Revenue s’installer à Tours, sa veuve y décède le 18 mars 1905.

Arbre généalogique de Charles COUSSIN


Sources :
Archives départementales d’Indre-et-Loire, du Maine-et-Loire, de la Haute-Vienne, archives en ligne de l’état civil.
ADIL, recensement de population, cadastre, annuaires, presse locale et série 4U, création de société, série 6U, jugement de faillite.
ADML, série 5U, acte notarié de reconnaissance, série 1H1Q, registre des enfants entrés au dépôt d’Angers.
Photos, collection personnelle de Patricia PILLORGER, août 2019 ©.

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DOMINIQUE DUPUY
DOMINIQUE DUPUY
6 mois plus tôt

INCROYABLE HISTOIRE MAIS POURTANT VRAIE ET SUPERBEMENT RACONTEE MAIS QUEL DOMMAGE DE NE PAS AVOIR FOURNI UNE COPIE DE SON ACTE DE NAISSANCE ET LES RECONNAISSANCES SUCCESSIVES……..A CHERCHER !!!!

Patricia PILLORGER
Patricia PILLORGER
6 mois plus tôt

Bonjour Dominique,
Je vous remercie pour votre message.
Mes recherches ont été faites il y a qq années.
Pour les actes d’État civil, ils sont en ligne sur les sites des AD correspondantes
AD37- Chinon 1867 vue 328/386
AD49 – Saumur 1846 vue 5/379 et Angers 1846 vue 93/138
AD87 – Limoges 1897 vue 360/498
Les informations sont reportées dans les actes ou sont mentionnées en mention marginale.
J’avais récupéré une photocopie de l’acte notarié cité et du registre des enfants remis au dépôt d’Angers auprès des AD49.
Souhaitant avoir répondu à votre attente, Bien à vous, Patricia PILLORGER

Xavier GUYOT
Xavier GUYOT
6 mois plus tôt

Beau travail de recherche !

Patricia PILLORGER
Patricia PILLORGER
6 mois plus tôt
Reply to  Xavier GUYOT

merci Xavier