L’école en Touraine autrefois (1ère partie)

Contrairement à ce que l’on croit souvent, l’enseignement a eu longtemps de mauvais résultats en Touraine. Vers 1840, le pourcentage d’illettrés chez les jeunes soldats montre que seuls 11 départements font moins bien. Ce sont essentiellement les départements où l’on parle breton et celui de l’Allier.
Il y a une certaine amélioration avec l’apparition des chemins de fer et l’industrialisation, ces nouvelles activités nécessitant une main-d’oeuvre sachant lire et écrire. En 1852 la moitié des jeunes conscrits n’est plus illettrée.
La création de deux écoles normales pour former des institutrices et des instituteurs est tardive. En 1871 à Tours, il n’y a que 5 écoles primaires de garçons (3 d’entre elles sont religieuses les 2 autres étant laïques). L’instruction des filles est négligée et « abandonnée aux religieuses« .
Des progrès considérables vont se produire après 1875. Ils sont dus à la consolidation de la République et à l’influence des idées de la Commune.

Quelle histoire pour les instituteurs, leurs écoles et leurs élèves?

La situation de l’Ancien Régime confiant les enfants de familles plutôt favorisées à l’Eglise a peu changé pendant la Révolution mais l’idée d’un enseignement public non soumis au clergé a été lancée.
En septembre 1791, on décide sous la Constituante « qu’il sera créé une instruction publique commune à tous les citoyens gratuite à l’égard des parties d’enseignements indispensables à tous les hommes... ».
La loi GUIZOT (ministre de l’Instruction Publique de 1832 à 1837) impose la création d’écoles dans toutes les communes dépassant 500 habitants tout d’abord presque exclusivement réservées aux garçons. Elle instaure également dans chaque département l’école normale qui bouleverse la formation des instituteurs.

François GUIZOT (ministre de l’Instruction Publique)

L’école communale va se développer lentement car en concurrence avec l’école privée où les religieuses apportent d’autres services aux malades et aux pauvres. Les conseils municipaux sont souvent favorables à leur implantation d’autant plus que certaines écoles privées acceptent de prendre des enfants indigents.
La loi FALLOUX de 1850 autorise la libre concurrence entre établissements publics et privés. Les communes de plus de 800 habitants devront créer une école de filles éloignée (morale oblige) de celle des garçons.

Jules François Camille FERRY

En 1873 il y avait en Indre-et-Loire 218 écoles appartenant aux communes.
Il faut attendre les lois Jules FERRY en 1881 et 1882 pour que l’école publique devienne gratuite obligatoire et laïque. L’instituteur devient fonctionnaire et est rétribué par l’État.
La loi du 28 mars 1882 rend l’enseignement obligatoire pour les enfants de 7 à 13 ans et a pour corollaire la laïcisation des locaux et du personnel.
En 1893 un rapport de l’inspecteur d’académie donne 27 écoles maternelles publiques dont 15 dirigées par des laïques et 12 par des congréganistes et 23 écoles privées.
La loi Waldeck ROUSSEAU de 1901 soumet les congrégations religieuses à l’autorisation préalable et au contrôle de l’État. La séparation de l’Église et de l’État affirme le libre exercice des cultes et le respect de la liberté de conscience, l’enseignement congréganiste est interdit depuis 1904 et les soeurs, si elles veulent continuer à enseigner, doivent se séculariser.
En même temps, la situation matérielle et morale des instituteurs est améliorée et les savoirs qu’ils doivent transmettre sont valorisés.
En Indre-et-Loire, 140 instituteurs sont mobilisés en 1914 et les institutrices comme leurs consoeurs dans tous les métiers assurent les fonctions des hommes partis au front. En 1918, il y a 576 écoles dans le public et 120 écoles dans le privé. Pour y enseigner, on compte 266 instituteurs et 662 institutrices.
Après l’armistice, la « communale » va vivre au rythme des saisons et des lois et décrets successifs qui vont faire évoluer son fonctionnement (1936 scolarité obligatoire jusqu’à 14 ans ; 1959 loi DEBRÉ et prolongement de l’enseignement obligatoire jusqu’à 16 ans).
Aujourd’hui, seuls les établissements privés peuvent sélectionner leurs élèves et leurs cadres sur des critères économiques, culturels… l’école publique se devant d’accueillir tous les élèves.


Les maîtres à l’école d’Esvres

Sur le 1er registre de délibération de la commune d’Esvres le 5 floréal an II on peut lire que le conseil s’est réuni en vue de « nommer un instituteur et une institutrice pour enseigner à lire et à écrire aux enfants de cette commune. Lesdits instituteurs seront tenus d’enseigner ausdits jeunes gens la richesmétique (sic) en sa perfection. Nous avons nommé le citoyen Martin SERRE pour instituteur et la citoyenne Magdeleine GANIER, femme de Louis DENIAU, menuisier-tonnelier en cette commune, qui ont accepté leur nomination et ont prêté serment qu’ils enseigneraient les objets expliqués cidessus et ont signé avec nous « .
En 1795, Martin SERRE décède et sera remplacé par Jean François Dominique MEUNIER. Le maître loge et enseigne dans l’ancien presbytère confisqué au curé LAROUSSE. Le 30 prairial an 12, il est désigné « instituteur secrétaire de mairie et receveur des contributions directes de cette commune« .
Madeleine GASNIER est remplacée en 1799 par Madeleine IMBERT femme PAUMIER. En 1827, le curé BOUVART certifie que « la femme veuve PAUMIER est incapable aujourd’hui de remplir ses fonctions à cause de la maladie grave qui lui a ôté ses facultés intellectuelles ». Elle sera remplacée par Françoise PELLETIER.
Lorsque Jean PAPILLON prend son poste en 1878, le maire rapporte que « quand l’instituteur est arrivé dans la commune, il a trouvé une école composée d’élèves ne sachant absolument rien et il lui a été impossible avec un nombre aussi considérable d’enfants de suffire seul à la besogne ».
Sa fille Marie PAPILLON s’est donc chargée de l’instruction des plus jeunes. En 1888, l’état de janvier annonce 3 instituteurs à Esvres.

Généalogie Jean PAPILLON

Joseph BOURREAU arrive en 1943 avec sa femme. Il sera déporté en 1944. On inaugurera une plaque dans la classe où il enseignait et le groupe scolaire portera son nom.
Chez les filles, l’effectif passe de 42 à 74 élèves suite à la fermeture de l’école congréganiste en octobre 1904.
L’école libre est fondée en 1854 par Soeur Chantal (Victoire BALLET). L’inspecteur en dit que « c’est une maîtresse instruite, très zélée, dont les familles commencent à apprécier les bons services ».
Le 14 mai 1878, les contrats passés entre les 2 écoles libres et la municipalité sont rompus et les filles iront à l’école laïque.
Le curé Georges LHERMITTE désire utiliser les bâtiments du « château » pour ouvrir une école. Elle sera ouverte par Marie-Louise PERDREAU assistée de Marie-Louise LAPOURAILLE le 7 novembre 1937. Dès le début de l’occupation l’abbé LHERMITTE fait de la résistance ; il est arrêté avec le maire et d’autres habitants. Il meurt à Buchenwald.
A la rentrée 1944, Mmes PERDREAU et LAPOURAILLE sont toujours là. Le 3 octobre 1964 l’école Ste-Thérèse a fêté les 50 ans d’enseignement de cette dernière.

Sources : Maîtres écoles et écoliers de Touraine (Alain Jacquet) éditions La Simarre
Maîtres et élèves d’autrefois (Raymond Bailleul)
Hérault-Éditions
Wikipédia : François GUIZOT
Jules François Camille FERRY


Charles Péguy a popularisé le terme de Hussard noir pour désigner les instituteurs sous la IIIème République. Ce surnom venait de la couleur noire et austère des vêtements de ces maîtres issus des Écoles Normales, l’institution bannissant toute ornementation et tout superflu. Ils avaient tous reçu une véritable mission : instruire la population française.
Pour mieux connaître leurs conditions de vie et de travail, les élèves auprès desquels ils exerçaient leur mission, je vous invite à découvrir notre prochain article sur « l’école en Touraine autrefois » à la fin du mois de septembre.

Lire la suite : L’école en Touraine autrefois (2ème partie)

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