L’Écorcheveau

Article rédigé par Guy ROUSSEAU du Centre Généalogique de Touraine

La carrière dite de l’Écorcheveau se situe sur l’actuelle commune de Saint-Avertin. Elle a été creusée dans le coteau de la rive gauche de la vallée du Cher. Les galeries s’inscrivent dans un triangle rectangle dont l’hypoténuse longue de 1,2 km suit le coteau le long de la route Tours-Vierzon et dont le petit côté mesure 500 m. Le front de taille se situe à une trentaine de mètres sous le niveau du plateau. Une trentaine de kilomètres de galeries ont été relevées par le Spéléo-club de Touraine.
Elle a servi de carrière à ciel ouvert pendant l’époque romaine puis de carrière souterraine du XIème au XIXème siècles. Elle fut utilisée au Moyen Âge pour la construction de nombreux édifices de Tours dont la cathédrale Saint-Gatien.

Cette vaste carrière tirerait son nom de « la tranchée aux coquillages » (concharum vallis) devenu « concheveau » puis « Écorcheveau » du fait que les chevaux s’écartelaient à gravir la voie mal entretenue (aujourd’hui rue de l’ Écorcheveau).

L’exploitation de la carrière

L’exploitation de « la Pierre d’Écorcheveau », tuffeau jaune de la partie supérieure du Turonien, se faisait sur 2 m à 2,10 m de hauteur. Le système d’extraction par des blocs parallélépipédiques de 1,5 à 2 m3 est décrit à partir des traces existantes dans certaines galeries. Les volumes extraits sont estimés à près de 150 000 m3. Cette carrière a été l’un des plus importants sites d’extraction de tuffeau jaune en Touraine.

Les blocs taillés étaient évacués sur des chariots très bas aux roues cloutées tirés par des mulets. On a trouvé dans les virages de 3 ou 4 grandes galeries des piliers marqués à environ 0,50 m de haut par le frottement des moyeux sur les parois. René BADIER, dont nous avons fait la connaissance dans l’article précédent, y a retrouvé un squelette de mule et un pic de carrier.
Les blocs étaient ensuite acheminés par voie d’eau. Le Cher était en communication avec la Loire à l’ouest de Tours par le ruau Ste-Anne. Le ruisseau était si petit qu’il fallait débarquer la cargaison au lieu-dit « La Saulaie Ronde » (aujourd’hui disparu) et charroyer le tout à travers la plaine.
Dans les galeries, les piliers de soutènement sont encore visibles ainsi que les traces d’enlèvement au pic des gros blocs de tuffeau et le noir de fumée des lampes des carriers.

Généalogie de René BADIER

L’activité dans les carrières

Elles ont servi de refuge :
En janvier 1871, les Saint-Avertinois, en prévision de l’arrivée des Prussiens, y ont descendu par le puits des Valences ce qu’ils avaient de plus précieux : de nombreuses jeunes filles, des femmes, des enfants et leurs richesses. On les avait installés dans trois salles dont l’une est appelée « la Salle des Demoiselles ».
En 1940 et 1944, les habitants s’y réfugièrent pendant les bombardements. Les Allemands y stockèrent des obus sous la propriété de Saint-Germain qu’ils occupaient.
Un groupe de résistants, formé à la fin 1942, avait muré des galeries pour qu’elles soient isolées du réseau allemand. A la fin 1943, ils installèrent un PC au pied du puits Badier relié à l’extérieur par une ligne téléphonique qui aboutissait à un clapier de la ferme. Le téléphone se trouvait à 50 m du mur isolant les résistants des Allemands, mais la sonnerie avait été remplacée par un signal lumineux !
Certains vinrent au PC s’y cacher 8 à 10 jours ; on leur descendait de la nourriture par les puits et comme c’était humide, on remontait leurs couvertures pour les faire sécher. Les Allemands avaient prévu de faire sauter leur dépôt mais ils partirent sans le faire.

Certaines parties ont été aménagées en habitations troglodytiques ou en caves. Dans le coteau, il existe de nombreuses cavités abandonnées (« Les Roches Gruau », « Les Caves des Salpêtreries »…) qui constituent un redoutable labyrinthe ; elles rejoindraient celles de Larçay puis de Véretz.

Les sarcophages de l’Écorcheveau

Le sarcophage est un contenant funéraire lithique constitué d’une cuve et d’un couvercle caractéristique de l’époque mérovingienne. Cette période va de 480 à 750 après J-C et suit la fin de l’empire romain.
Deux sarcophages datant du VIIème siècle ont été découverts en 1919 en haut de la côte de l’Écorcheveau sur le côté gauche en remontant la pente à peu près au niveau du poteau d’éclairage public.
Le 7 mars 1967 des travaux de rectification de la montée de l’Écorcheveau ont permis de dégager les 2 sarcophages qui n’avaient jamais pu être étudiés extérieurement car on n’en voyait que la coupe à flanc de coteau.
Une communication (BSAT t 21 p LVII) indique un don de :
M. Jules DESLIS : un fragment de maxillaire pro-mérovingien de l’Écorcheveau
M. CHAUVIGNÉ : un crâne qu’il conserve dans sa collection
M. PIGEAUD maire de Saint-Avertin : un éboulement du coteau vers 1941 endommagea les tombes et des os furent transportés au cimetière.

On a retrouvé également à côté des tombes des ossements divers en 3 endroits différents. Ces restes, s’ils viennent des sarcophages, prouveraient l’inhumation d’au moins deux squelettes d’adultes mais, fait curieux, la présence de 3 humérus droits en plus du crâne retiré par M. CHAUVIGNÉ et d’un fragment de maxillaire d’enfant.


Au demeurant, la butte a été grattée assez profondément vers l’est et il ne semble pas y avoir de nécropole.


Quant à l’origine et à la datation des tombes, l’absence de décoration et le fait qu’elles aient été déjà ouvertes les rendent difficiles à préciser. La forme de la cuve et surtout du couvercle en toit à deux pentes pourrait laisser penser à un tombeau de l’époque mérovingienne analogue aux sarcophages romains tardifs en tout cas sans doute non postérieur au VIIème siècle.

Sources : Forum Touraine insolite – AD37 cadastre – Saint-Avertin insolite (J-M. Couderc) – BSAT t21 du 29/01/1919

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Michèle Dreux
Michèle Dreux
1 année plus tôt

Bel article, cependant un bémol : les jeunes, les femmes, les enfants sont considérés comme des objets avec les richesses pour les mettre à l’abri en 1870

Christian PELLETIER
Christian PELLETIER
1 année plus tôt
Reply to  Michèle Dreux

Plus probablement les femmes et les enfants sont-ils considérés comme des « richesses », celles-ci étant plus précieuses encore que les objets. J’ose y croire.

Claude christ
Claude christ
1 année plus tôt

Article très intéressant qui répond à plusieurs de mes interrogations personnelles.
En particulier, au travers de mon étude sur les mariniers d’Azay-sur-Cher, j’avais oublié l’existence des carrières de Saint Avertin pour la construction des édifices de Tours, et situais plutôt la provenance des pierres plus en amont sur le Cher : de Véretz jusqu’à Bourré.

VAGNINI Hélène
1 année plus tôt

Ma grand’mère habitait dans le haut de St Avertin, et pour aller à pieds à Tours, il était plus court de descendre par le bois de Gramont jusqu’à la route qui longe l’Ecorcheveau. .L’Ecorcheveau, j’en ai tellement entendu parler …sans rien comprendre J’étais petite, entre 1 an et 6 ans (le temps de la guerre, quoi !) i, que c’était un lieu devenu mythique dans ma tête… Souvenirs, souvenirs ….Que pouvais-je imaginer ?
Cet article me renvoie en arrière. Merci. HVagnini

GAUDARD Jean-Claude
GAUDARD Jean-Claude
11 mois plus tôt

Très bel article mon cher Guy. J’ai des souvenirs de jeunesse lorsque nous allions pendant la guerre chercher du ravitaillement dont des pommes de terre avec mon père et mon frère en vélo en montant cette fameuse côte, c’était chez un nommé AVRIN.