
Article de Monique GROUSSIN, trésorier et membre du Centre Généalogique de Touraine
A Chouzé-sur-Loire, ancien petit port actif au temps de la marine de Loire, trois moulins-caviers sont les survivants de six existant dans la commune jadis.

Dans la rue des Moulins, un groupe de deux moulins-caviers des XVIII et XIXème siècles offre un grand intérêt architectural et ethnologique, à la fois lieu de travail et d’habitation du meunier, et architecture particulière à cette région du Val de Loire, unique en Europe.

Les moulins sont construits «avec et sur» une structure de cave, d’où leur nom ; ils sont d’origine semi-troglodytique, nés en Anjou vers le XIVème siècle. Le meunier ici était aussi vigneron, d’où un moulin adapté à ces deux activités. La technique du moulin-cavier a ceci de particulier : les mécanismes de mouture sont situés en partie basse, au même niveau que les appareillages de traitement du raisin et du vin : pressoir, futailles, barriques, etc.
Le moulin-cavier, conçu avec sa masse de pierres voutées recouvertes d’argile, permet d’entretenir à l’intérieur une certaine fraîcheur constante en toutes saisons, utile au traitement des céréales et favorable à l’élaboration et à la conservation du vin de Bourgueil.

Le premier, de masse hexagonale, construit avant 1780, possède un massereau (tour conique) peu élevé. La cage disparue était équipée d’ailes à toile. Le plus grand édifié vers 1815, de forme rectangulaire avec sa tour conique (surélevée vers 1855), supportait la hucherolle aux ailes mécanisées en planches, de type « Berton ». Tous les deux sont remarquables par leurs belles salles voûtées en tuffeau bien appareillées. Les maçonneries (masses des bâtiments) sont relativement en bon état, sauf la partie arrière écroulée du grand moulin, minée par les pluies, victime du peu d’intérêt et du manque d’entretien des hommes qui se sont succédés depuis l’arrêt de son activité en 1895.
A l’intérieur, construits semblablement, les deux moulins possèdent au centre, comme tous les caviers, la salle des meules et deux pièces adjacentes de chaque côté réservées l’une à l’habitation, l’autre au stockage des sacs de blé et fûts de vin. Un artiste anonyme a sculpté, dans le tuffeau du chambranle d’une porte, la tête d’un meunier, avec son bonnet caractéristique (autoportrait ?).
Dans le petit moulin, une pièce au sol de terre battue, à l’origine, était l’écurie de l’âne, compagnon indispensable au transport des sacs et du meunier.
Le grand moulin, avec sa cave au nord, qui était de toute beauté, permettait l’élaboration du vin grâce au pressoir et aux foudres de chêne installés là.
Stanislas VALLÉE de Chamfleury, ancien batelier de la Loire, constructeur du grand moulin, s’était entouré d’une équipe de « pierreux » de talent qui ont fait des moulins des constructions harmonieuses. La Loire, au siècle précèdent, occupait tout un monde de mariniers dont certains, lors du déclin de la batellerie, se reconvertirent en meunier en s’employant aux moulins près du fleuve.
Il y a, en effet, une certaine analogie à conduire aux vents une gabarre du passé et la marche d’un moulin.
Lorsque deux moulins si près fonctionnaient ensemble, les ailes tournaient, paraît-il, dans le sens contraire les unes des autres pour éviter les remous d’air ! (anecdote recueillie de la mémoire d’un vieux meunier, ou facétie de celui-ci ?…)

A l’arrêt de leur activité, les ailes furent démontées et les moulins connurent diverses fonctions (entrepôts, séchage de tabac, conservation de vin en cave, boulangerie communale) qui leur évitèrent la ruine complète, contrairement à leurs autres voisins disparus. Les hucherolles ruinées, menaçant de tomber, ont été démontées.
L’ensemble des monuments a été classé Monuments historiques par arrêté du 18 septembre 1995.
Un autre moulin-cavier, à l’écart dans la rue des moulins, vient d’être racheté.

Les Pelouses sont les survivants des huit moulins à vent établis sur le territoire de la commune de Chouzé-sur-Loire (sept caviers et un moulin tour dont les vestiges ont disparu, près du moulin de Lécé).
Tous les caviers voisins (Rassay, les Pelouses et Lécé) ont un point commun : ils illustrent par leur forme de base les moulins-maisons, typiques du Saumurois et du Chinonais, parfaitement élaborés, qui ont fait de ceux-ci à la fois un bel outil de travail et une habitation harmonieuse que, seuls, ces moulins à vent à structure si particulière pouvaient offrir.
Les autres caviers sont construits ailleurs, semi-troglodytiques ou au sol, avec le domicile du meunier à l’extérieur.
LA FAMILLE VALLÉE
Des moulins-caviers des Pelouses de Chouzé-sur-Loire
au moulin à aubes de l’Aumône de Bourgueil
Mathurin VALLÉE est né en 1731 à Chouzé-sur-Loire ; il est le second fils de Mathurin VALLÉE et de Renée ROBIN. Il exerce la profession de blatier et il épouse à la Chapelle-sur-Loire, le 9 février 1760, Marie GALLÉ fille de Pierre GALLÉ et de Françoise GUILLEMAIN.

Leur fils Jean-Baptiste, né à Chouzé le 24 janvier 1769, exerce tout d’abord le métier de marinier avec Martin POIRIER, marinier meunier qui deviendra son beau-père. Au moment de son mariage, il est blatier meunier, c’est-à-dire qu’il exerce la profession de marchand de grain et de meunier. A 29 ans, le 1er ventôse an VI à Chouzé, il épouse Jeanne POIRIER (fille de Martin POIRIER et de Marie HARDOUIN). Il travaille avec son beau-père.
Le 7 frimaire de l’an VII à Chouzé naissance de leur fille Jeanne qui épousera, le 30 décembre 1818, Noël BRETONNEAU qui exerce le métier de blatier.

Le 25 juillet 1821 naissent les frères jumeaux, Jean-Pierre et François Alexandre : sur cet acte Jean-Pierre est déclaré l’aîné mais, après être devenu diacre, l’acte de naissance est modifié devant le tribunal de Chinon le 22 avril 1842 et c’est maintenant François Alexandre qui est déclaré l’aîné des jumeaux.
Jean-Baptiste décède le 4 mai 1848 à Chouzé ; il a tenu à ce que l’on inscrive sur sa pierre tombale « Jean VALÉE, ancien marinier ».
Son épouse Jeanne POIRIER décèdera le 3 mai 1863 chez leur fils, Jean-Pierre Jean-Baptiste VALLÉE, prêtre à Continvoir. La pierre tombale de Jeanne sera érigée à côté de celle de son époux.

François Alexandre épouse, le 8 janvier 1845 à Chouzé, Marie GUESPIN (fille Michel GUESPIN et de Marie BRETON) : il est meunier au moulin des Pelouses et travaille avec son père et son beau-frère, Noël BRETONNEAU.
Leur 1er fils, Stanislas François, naît le 7 mai 1846 au moulin des Pelouses : il devient meunier mais décède prématurément à 23 ans aux Pelouses le 18 décembre 1869.
Leur 2ème fils, Gustave Alphonse, naît le 5 mai 1857 à Chouzé. Il épouse Marie Marguerite BERGER (fille de Pierre BERGER et de Marguerite Marie COLLINET) ; il est meunier à cette époque.

Les enfants de Gustave Alphonse et de Marguerite BERGER
- 1er enfant Marie Marguerite : naîtra aux Pelouses à Chouzé le 26 avril 1884 – décès à l’âge de 7 ans à Bourgueil au Moulin de l’Aumône, le 25 juin 1891.
Puis naissance des 6 autres enfants à Bourgueil, au moulin à eau de l’Aumône
- Alice Marguerite le 9 janvier 1886, qui demeure en 1906 dans un autre moulin de Bourgueil, le Moulin de la Planche. Elle épouse Marcel Ferdinand PLUMEL le 13 mai 1914 Bourgueil.
- Gustave Alphonse le 4 mars 1888 : il est décrit sur son signalement militaire comme mesurant 1,65 m avec les cheveux et les sourcils noirs, les yeux roux, le nez fort, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale, profession de minotier.
- Marguerite Ernestine, le 21 mars 1890 : elle restera toute sa vie au moulin de l’Aumône où elle décède le 5 octobre 1949.
- Bertrand Robert François, le 21 mars 1890. Il est décrit sur son signalement militaire comme mesurant 1,61 m avec les cheveux noirs frisés, les sourcils noirs, les yeux marron, le front large, le nez rectiligne dévié à gauche, le visage large, profession de meunier et mécanicien. Il décède le 14 février 1951 à Bourgueil.
Solange Anne Marie, le 19 juillet 1894. Elle épouse Georges Louis Isidore GUERIN le 2 avril 1921 à Bourgueil, et décède le 10 novembre 1980 à Bourgueil.
- René Martial, le 11 mai 1906, qui décède le lendemain à Bourgueil.

Au moulin de l’Aumône de Bourgueil sur le Changeon
Le site est connu en activité dès 1377, au bénéfice de l’aumônier de l’abbaye de Bourgueil. Moulin banal il est saisi comme bien national en 1793. En 1879, il est décrit comme une roue à pales perfectionnée (type Poncelet) à aubes courbes, qui permettent une force de 14 CV entraînant quatre paires de meules.
Le 8 mai 1894 Gustave VALLÉE, propriétaire des moulins des Pelouses à Chouzé qui ont cessé leur production de farine, transfère ses activités de mouture au moulin de l’Aumône sur le Changeon au cours d’eau bien régulier.
La famille VALLÉE, depuis le déménagement à Bourgueil, se déclare « minotiers » sur les états de recensement.


Sources :
– AD37, base de données CGDT
– « Les Moulins de Touraine » de G-H. Penet
Bravo l La prochaine fois qu’ on ira du côte de Bourgueil tu pourras nous emmener voir les vestiges de ces moulins de Chouze.