I comme Indre en crue à Montbazon

Article rédigé par Patricia PILLORGER
du Centre Généalogique de Touraine

1770 « exceptionnelle » – 1910 « catastrophique »
1982 « centennale »

Montbazon et l’Indre

Montbazon, traversée par l’Indre et entourée par 3 communes Monts, Sorigny et Veigné, est une paroisse créée au XVIème.

La forteresse a été construite en partie par Foulques Nerra au Xème siècle. Elle fut ensuite occupée par la famille De ROHAN. Le village est construit au pied de la forteresse, sur la rive gauche de l’Indre.
Afin de construire une route royale pavée qui relie Paris aux Pyrénées, les murs d’enceinte sont détruits. La rivière est déviée et son ancien lit est comblé, en partie, par les démolitions des murs.
La route d’Espagne va permettre de faire passer plus de dix mille bêtes par an pour alimenter les halles de Paris.

Le pont de l’Indre à Montbazon a été bâti entre 1747 et 1752 par l’Inspecteur général de Bayeux, en remplacement du pont de bois aux 17 arcades qui datait du XIIème siècle.
Le nouveau pont est d’une forme différente avec 3 arches elliptiques d’une largeur de 18 toises chacune (35 m). L’ouvrage est élevé sur des pieux de bois surmontés d’un platelage sur lequel reposent des appuis en pierre de taille.
Depuis plus de deux siècles, sa construction de qualité lui a permis de résister à de nombreuses inondations.

Carte présentée sur le site du Syndicat d’aménagement de la vallée de l’Indre (SAVI)

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26 et 27 novembre 1770, la crue « exceptionnelle » de l’Indre

En cette fin du mois de novembre 1770, les pluies continues s’abattent sur la France et provoquent de nombreuses inondations, notamment celles des affluents de la rive gauche de la Loire. La vallée de l’Indre est envahie par les eaux et connaîtra une crue exceptionnelle le 26 et 27 novembre 1770. La hauteur des eaux dépasse largement les précédentes et provoque des dégâts considérables : plus de 30 ponts effondrés, plus de 100 habitations détruites et autant d’endommagées.
Trois communes sont touchées sur plus de la moitié de leur territoire : Cormery, Loches et Montbazon où une cinquantaine d’habitants seront retrouvés sous les ruines de leur maison, après le retrait des eaux.

Le curé JOUBERT de Montbazon l’a décrite dans son registre paroissial de la même année : « il tomba une si grande abondance de pluie pendant trente heures de trois heures du soir jusqu’à neuf du soir du lendemain que toute la surface de la terre se trouva couverte d’eau qui ne tarda pas à s’écouler dans les rivières et y causa […] un si prodigieux débordement […] des villages ont été rayés, les plus hautes digues couvertes et emportées, les hommes et les bêtes noyés, les effets de toute espèce ont été le jouet des eaux […] les papiers publiés ont été remplis de détails affreux des pertes occasionnées de toute part en France par cette fâcheuse journée, tout le pays qu’arrose l’Indre a beaucoup souffert, tous les ponts depuis sa source jusqu’à son embouchure ont été en entier ou en partie emporté sauf celui cy ».

Les 3 arches du nouveau pont n’étaient pas assez grandes pour recevoir une telle quantité d’eau. Celle-ci finit par passer par-dessus les levées, le pont de Montbazon est le seul qui résista à la crue du 27 novembre 1770.

Dans la rue de l’Aumône (actuelle rue Emmanuel Brault), située au bout d’une des levées qui permet à la ville de rejoindre l’ancien lit de la rivière, trois maisons proches de la porte de la ville ont été rasées et les parterres emportés, les autres sont en partie écroulées ou fortement ébranlées par les eaux de l’inondation ; il n’en reste aucune intacte tout comme en ville. Tous les habitants de la ville et du village de la Vennetière ont été évacués, ils ont été accueillis chez le Prince de ROHAN, le temps que leurs maisons soient de nouveau habitables. Les effets personnels et les provisions de bouche des particuliers, les stocks de marchandises des détaillants, le matériel des professionnels sont tous perdus : mouillés ou emportés par les eaux.

L’église située dans le centre est remplie d’eau à hauteur de 5 pieds (1,6 m). Le presbytère, qui semble n’avoir jamais connu d’inondation, a eu 4 pieds d’eau (1,3 m). Le bâtiment de Toussaint CROUSILLEAU, procureur fiscal, situé au pied de la levée, est envahi par 8 pieds d’eau (2,6 m).

Les eaux se retirent dès le 28 novembre. La paroisse de Montbazon ne compte aucun noyé, mais plusieurs habitants ont couru de grands risques pour échapper aux eaux. Les maisons ont été malsaines toute l’année qui suivit, certaines ont été blanchies pour les rendre à nouveau habitables.

Deux semaines plus tard, le 11 décembre 1770, un procès-verbal est dressé par le greffier, listant toutes les pertes par habitant. L’aubergiste, le marchand de tabac, l’épicier, le fermier, le marchand d’étoffes, le boucher, le menuisier, le boulanger, le cabaretier, le charpentier, le cardeur, le tailleur d’habits, l’huissier royal, le notaire, le chirurgien, le marchand de bois, le marchand de minoterie, le bourrelier, le marchand d’huile, le marchand de toile et coton, le vigneron, le meunier, le couvreur, le marchand de volailles, le perruquier, le sabotier, le tisserand, le blatier, le cordonnier, le voiturier, le maçon, le filetoupier, le maréchal de forge, le vitrier et de nombreux particuliers ont tour à tour déclaré leurs pertes causées par la crue du 26 et 27 novembre, qui sont évaluées à 48 697 livres (756 270 euros). L’intendant DU CLUZEL vient sur place, il se rend compte par lui-même des dégâts et du désarroi de la population.

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9 novembre 1910, la crue « catastrophique » de l’Indre

L’année 1910 est une année propice aux crues.
Au début de l’année, les pluies de la fin de l’automne 1909 et des mois de janvier, février et mars occasionnent une montée des eaux de la Loire. Dans la vallée de l’Indre, elles sont montées brusquement à partir du 20 janvier.

A l’approche de la mi-juin, après deux mois d’accalmie, de violents orages accompagnés de pluies diluviennes produisent un nouveau débordement des rivières. Les eaux de l’Indre remontent à nouveau le 13 juin.

En fin d’année, les pluies s’abattent de manière quasi continuelle à partir du 8 novembre. Elles entrainent de nouvelles et graves inondations.

Sur l’aval de la Loire, la crue de novembre est supérieure à celle de janvier et de juin.

Dès le 9 novembre, les eaux montent rapidement. A Montbazon de nombreuses maisons et caves sont inondées, « il y avait de l’eau jusqu’au croisement de la rue Basse et la rue des Moulins ». Le maire André DELAUNAI va visiter les sinistrés en barque et coordonne l’aide à leur apporter. Quelques jours après, suite à la tempête de pluies et de neige du 17, les eaux de l’Indre en décroissance remontent peu à peu et de façon inquiétante dans la journée du vendredi 18 novembre avec un courant violent.

L’activité meunière a fortement été perturbée par ces trois crues successives. L’arrêt des moulins pendant les crues a entrainé un manque de farine et la rareté du pain. En juin, la récolte a subi des dégâts irréparables et en novembre, les blés dont l’ensemencement a débuté sont noyés.

Sous le pont de Montbazon, des plaques posées sur la culée du pont en aval rappellent la hauteur des eaux de 1910, les dates affichées à partir de la plus faible sont le 21 janvier, le 14 juin, le 18 novembre et le 9 novembre.

Généalogie tourangelle d’André Louis Raymond DELAUNAI, maire de Montbazon de 1902 à 1938

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21 décembre 1982, la crue « centennale » de l’Indre

A l’approche des fêtes de Noël, les pluies qui tombent en abondance depuis le 17 décembre font rapidement grossir les rivières de la région. Depuis le mois d’octobre, les précipitations ont atteint le double des normales saisonnières.

La crue débute dans la journée du samedi 18 décembre. L’eau monte au fil des jours et la situation évolue d’heure en heure. Elle va atteindre son point culminant le mardi 21 décembre.

A Montbazon, la place de la mairie est entièrement inondée, la boulangère signale qu’elle a plus d’un 1,20 mètre d’eau dans le fournil. Seuls les quartiers sur les hauteurs sont épargnés. La route nationale 10 est coupée, une déviation par l’autoroute A10 est mise en place entre Chambray-les-Tours et Sainte-Maure-de-Touraine.

La décrue se fait lentement et s’étend jusqu’à la fin du mois de janvier suivant.

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Crue ou inondation

Les phénomènes de crues et d’inondations sont le résultat du débordement des eaux d’une rivière, d’un fleuve sur les territoires alentours habituellement hors d’eau. Elles ont un impact sur la population, les infrastructures, l’activité économique.

L’inondation est le débordement des eaux hors de son « lit » habituel sur les berges. L’écoulement de l’eau dont le débit moyen n’est pas affecté, continue à s’effectuer régulièrement.

La crue est le débordement des eaux hors de son « lit » habituel bien au-delà des berges. Le sol n’absorbe plus la quantité des eaux qui le couvre. Ce phénomène résulte de précipitations en forte quantité sur un sol imperméable ou rendu imperméable suite à une forte sécheresse. Le débit de l’eau est plusieurs fois le débit moyen.

Les pluies potentiellement importantes résultent d’une perturbation atmosphérique, opposition de deux masses d’air en température et en teneur d’eau, transportées sous forme de vents parfois violents voir de tempête.

La crue de 1770, supérieure à celles de 1910 et 1982, est la plus importante des crues connues du bassin de l’Indre.


Sources
Archives départementales d’Indre-et-Loire, registre paroissial de Montbazon, presse locale
Photos et images : collection particulière ©, Collections de Touraine, ADIL

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