
Article rédigé d’après la conférence de Mme de PERSON
Paru dans le Touraine Généalogie n° 10
Rubrique « Histoire et généalogie »
Le voiturier par eau ne se préoccupe pas si la Loire est navigable… elle est naviguée. C’est l’axe majeur du commerce intérieur français ; son bassin représente 20 % du territoire national.

A la descente, le courant entraîne les bateaux. A la remontée, la force du vent peut être utilisée jusqu’à Orléans. Au-delà il faut avoir recours au halage. Les obstacles à la navigation sont principalement les crues, le manque d’eau en été, la présence de débris dans le lit du fleuve, la difficulté de suivre le chenal qui longe tantôt la rive droite, tantôt la rive gauche. Ce chenal est entretenu régulièrement et balisé par la Communauté des Marchands.

Le bateau, chaland ou gabare, est adapté aux nécessités du fleuve : il est plat, souple et sans quille. Pour répartir la charge, on utilise des trains de trois ou quatre bateaux. Les sapines utilisées pour le transport du charbon du Massif Central sont « déchirées » à leur arrivée à Nantes.
Le passage des ponts est une manœuvre délicate. En général les ponts ont une ou deux arches « marinières », plus larges et plus hautes que les autres, pour faciliter le passage des bateaux. On passe les ponts à la volée : le premier bateau abaisse son mât et sa voile et franchit le pont poussé par le deuxième bateau ; puis, lorsqu’il est passé, il tire le deuxième et ainsi de suite.
Le métier de voiturier par eau est un métier ouvert, il n’y a pas de corporation ni d’apprentissage. On y relève beaucoup d’endogamie qui conduit à la lignée de mariniers. Cela leur donne tout un réseau de relations.
Le personnage-clef c’est le marchand qui décide de la cargaison et fixe les conditions de son transport. Le voiturier n’est qu’un exécutant, mais il est responsable de son fret. Il lui faut une main-d’œuvre suffisante, qu’il recrute dans son entourage familial ou par contrat d’association. Le montant des salaires est fonction de la hiérarchie.
Des règlements successifs ont codifié la navigation, le transport des marchandises et des voyageurs, les relations entre les divers usagers du fleuve (voituriers, meuniers et pêcheurs).
Les voituriers par eau ne peuvent pas toujours tenir leurs engagements pour des raisons diverses : engravage, intempéries, tempêtes, embâcle, accidents avec des moulins à bacs. Les naufrages sont malheureusement trop fréquents et la marchandise coulée ne peut pas toujours être récupérée, surtout s’il s’agit de sel ou de sucre ! Le paiement des péages retarde aussi le voyage.
Les voituriers par eau sont des gens ouverts, au courant de toutes les nouvelles qui circulent par le fleuve, solidaires et prêts à se dévouer lors des inondations. On les dit aussi violents, trompeurs (parfois impliqués dans la contrebande du sel) et portés sur la boisson. Mais grâce à eux, la Loire et ses affluents étaient autrefois des rivières vivantes.
très bel article, il est bon de rappeler tout cela… HV