C comme Crues mémorables à La Chapelle-sur-Loire

Article rédigé par Monique GROUSSIN
du Centre Généalogique de Touraine

4 juin 1856 à 3 h 30 du matin : brèche de La Chapelle-sur-Loire (rive droite)

Louis XI

Le château Flaire

Le château Flaire, appelé aussi Bouroflère ou Boureauflaire, était un vieux manoir construit en 1855 sur les ruines d’un château édifié par Louis XI au XVème siècle pour en faire cadeau à son bourreau (il aurait autrefois été habité par Tristan L’Ermite).
Ce manoir appartenait, quelques années auparavant, à la famille CHENANTAIS à qui l’avait acheté Monsieur BIZOULLIER.
Cette gravure le montre tel qu’il était au moment de la catastrophe.

Plans du château Flaire de M. BIZOUILLIER à l’occasion de sa rénovation, peu avant la crue

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Extrait du rapport du Maréchal des logis en chef de gendarmerie CORNIÈRE (texte prêté par Mme Bernard BIDON) :

Le gouffre était béant… M. BIZOULLIER s’était réfugié dans son château du bourreau FLAIRE avec quatre religieuses et sept autres personnes. Vers cinq heures du matin, une des maisons du milieu du bourg est soulevée par l’eau, s’affaisse ensuite et laisse à la fureur des flots un large passage. Le torrent, sans obstacle, se précipite dans les terres, renverse tout ce qu’il rencontre et creuse un lit d’une profondeur immense, emportant successivement 48 maisons. On les voyait osciller, puis s’engloutir tout d’un coup dans l’abîme au-dessus duquel montait un épais nuage. Une maison est partie, comme un vaisseau lancé dans la mer, se balançant sur le gouffre et est allée s’abîmer à plus de 30 m au pied du château. Le fleuve battait si furieusement les murailles que les vagues s’élevaient en bouillonnant à plus de 15 m de hauteur.
Au château du bourreau FLAIRE, des pauvres réfugiés éprouvaient des angoisses sans nom. Pendant 4
 h 30, ils eurent sous les yeux cette scène effroyable. Quelle horrible agonie ! Il est évident que le château ne résisterait pas longtemps malgré la solidité de l’architecture.

Le château Flaire au milieu des flots, peu avant sa destruction

« Allons, M. BIZOULLIÉ, disaient les religieuses avec cette sainte résignation que donne la foi, nous allons mourir… Remettons nos âmes entre les mains de Dieu.. Nous prierons Dieu pour vous ».

Le sauvetage était réputé impossible et les douze naufragés du château paraissaient voués à une mort certaine. Cependant le dévouement de quatre hommes de cœur devait les sauver : Guillaume BAUGÉ, NAUDIN, HUBERT et JACQUELIN parvinrent au pied du château et les douze prisonniers furent descendus l’un après l’autre dans l’embarcation, assaillie de tous côtés par la lame furieuse. Une femme paralytique était du nombre. De nouveaux braves retournèrent une seconde fois au château pour en rapporter quelques objets précieux et un portefeuille du regretté M. BIZOULLIÉ. Cette fois (sainte émulation du courage), ils étaient accompagnés du Commissaire de police de Bourgueil, du gendarme RIDEAU et de la sœur ANTONIN, Sœur converse de la Charité.

Le vieux manoir du bourreau de Louis XI devait céder à son tour à l’assaut impétueux du fleuve et il disparut si complétement que l’œil chercha en vain la place qu’il occupait. Mais, ce qui brisait le cœur, ce qui est vraiment horrible, c’est de voir le torrent implacable, sacrilège, pousser ses vagues monstrueuses vers l’asile des morts, fouiller cette terre de repos, dernière demeure de notre pauvre humanité et les entrainer, dépouilles hideuses, effrayantes épaves à travers nos campagnes et jusque dans les demeures des vivants.
Un grand nombre de cadavres ont été dans le jardin de M.
 Théodore VIEIL. Chez M. CALLOT-DESCHAMPS, rue du Port près du Lane, on a recueilli une boite à coulisses qui renfermait un enfant. Plus de cent cadavres exhumés par les affouillements du fleuve ont été enterrés à Bourgueil et à Chouzé.

L’emplacement du château le lendemain de sa destruction (dans le fond, la gare)

Source :
AD37 – Plan et gravures dessinés par Rouillé-Courbe montrant l’inondation de La Chapelle-sur-Loire en 1856.


Des brèches ouvertes dès le XVIIIème siècle

D’après des éléments relevés aux Archives Départementales par G. ROBINEAU et M-L. GILLET
Article paru dans le bulletin Touraine Généalogie n° 97 du 3ème trimestre 1997 page 275 Rubrique « Histoire et généalogie »

Au mois d’octobre 1860, Monsieur COLLIN, ingénieur en chef du service spécial de la Loire basé à Orléans, écrit au conducteur des Ponts-et-Chaussées en résidence à La Chapelle-sur-Loire, Monsieur VERGER, pour lui demander un rapport sur les inondations de la vallée de l’Authion en 1711 : or il constate qu’il n’existe rien à La Chapelle-sur-Loire concernant les brèches ouvertes sur le territoire de cette commune, vers le commencement du XVIIIème siècle. Il se rend donc chez un marchand de Bourgueil qui lui montre deux notes copiées par lui qui racontent :
«  en 1707, le 9 octobre, la levée s’est rompue aux Trois Volets, commune de La Chapelle-sur-Loire.
 en 1710, le 12 novembre, la levée s’est rompue à La Corne de Cerf, commune de La Chapelle-sur-Loire, et 2 jours après à La Périchette, même commune ».

Il va ensuite à Allones, où ont été déposés les registres paroissiaux, et relève les notes suivantes :

«  dans la présente année (1711), les eaux furent si abondantes par les brèches qui se firent l’année précédente à La Chapelle-Blanche, qu’elles inondèrent tout ce pays, noyèrent plus de 2000 bestiaux en Russé, renversèrent plus de 80 maisons dans l’étendue de cette paroisse et montèrent jusqu’à la hauteur de 4 pieds 1 pouce dans la maison du presbytère d’Allones. Ce fut le 15 février de la présente année. »

Intrigué par la différence des dates (12 novembre 1710 à Bourgueil et 15 février 1711 à Allones), il pousse plus loin ses investigations. Alors un médecin de Chouzé lui montre une note, toujours manuscrite, qui lève toute ambiguïté : les deux sources précédentes se recoupent et, si les levées ne se sont pas rompues en février 1711, c’est sans aucun doute qu’elles n’avaient pas été rebouchées entièrement depuis novembre 1710 !
Mais il n’en a pas encore fini car les lieux indiqués sont eux aussi différents : à Bourgueil on parle de La Corne de Cerf et de La Périchette ; à Chouzé il est question des Trois Volets et du dessus du bourg de La Chapelle-Blanche. Il opte pour la véracité de la note de Bourgueil car ce qu’il « a pu arracher des vieillards de La Chapelle-sur-Loire, c’est que la brèche de la Corne de Cerf et celle de La Périchette sont de la même date » et que « Les noms de localité employés dans la note de Bourgueil semblent indiquer quelqu’un connaissant bien les lieux dont il parle ; la note de Chouzé manque de cette précision ».

Il ajoute enfin un tableau descriptif des brèches :


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VAGNINI Hélène
1 année plus tôt

Article très intéressant et on pourrait presque dire qu’il est d’actualité quand on observe ce qu’il se passe actuellement dans maints endroits de France et même de la planète. Merci. HV

Groussin
Groussin
1 année plus tôt

Article très intéressant Le témoignage du maréchal des logis se lit comme un suspens. Les habitants du château vont ils s en sortir….? Récit poignant à la fin.