Y comme Y ont vécu religieuses, meuniers et industriels : le moulin de Rives

Article rédigé par Evelyne LÉTARD, Secrétaire Générale du Centre Généalogique de Touraine.

Source : AD37 réf 10Fi001-0006 – Entrée du bourg et ses Moulins

Depuis la Révolution, le Prieuré de Rives est situé sur la commune d’Abilly, à 3 km au sud de La Haye-Descartes, sur la rive droite de la Creuse et à son confluent avec la Claise.

Carte de l’état-major 1820-1866 (Géoportail)

Origine et décadence du Prieuré de Rives

Le bienheureux Robert naquit près de La Guerche-de-Bretagne entre 1047 et 1055. Après avoir vécu en ermite dans la forêt de Craon, il fonda entre 1099 et 1101 le monastère de Fontevraud, puis parcourut les campagnes en prêchant l’Évangile.
A cinq ou six lieues de l’Île-Bouchard il rencontra Sophicia RAINFREDIS (fille de Pierre ACHARD), qui « fut tellement éprise de sa prédication … (qu’) elle le pria d’accepter la maison seigneuriale de Rives, dont elle était la Dame, pour y établir un monastère, et de vouloir l’associer à la congrégation de Fontevraud ».

Elle prit l’habit monastique et fit don pour l’éternité de son domaine de Poligny au Sieur Robert et à ses religieuses de Fontevraud, réunies en ce même lieu sous la discipline religieuse. Elle leur donna sa terre d’Achaicum et deux pièces de terre pour cultiver la vigne et en planter ; autant de terre qu’il leur en faudra pour les jardins, une église, des maisons, des cloîtres, des plantations ; des pâturages pour leurs boeufs et leurs porcs et la moitié de l’écluse sur la Creuse, au lieu appelé Rives.

A la fin du XIIIème siècle, on comptait à Rives quatre-vingt-une religieuses, un Prieur, un Clerc et seize serviteurs.

A quelque distance du monastère, au midi, s’élevait le logement des religieux dit « Maison de l’Habit ».

Les murs, qui faisaient la clôture du Couvent avant sa suppression au XVIIIème renfermaient une superficie d’environ 4 ha :

  • l’église du XIIème, composée d’une nef unique, éclairée par des fenêtres en plein cintre (maintenant condamnées car l’église a été convertie en grange), et couverte en charpente. Elle se termine par un choeur voûté d’un berceau probablement soutenu par deux doubleaux qui retombaient sur des colonnes engagées encore apparentes. Au sud de ce choeur, une porte en plein cintre ornée de festons et denticules retombant sur des colonnettes.
  • le cimetière de la communauté longeait toute l’église.
  • le cloître au nord de l’église : seul le bâtiment situé à l’est, reconstruit en partie au XVème, a subsisté.

Le 15 juillet 1569, une troupe de protestants gascons venant du siège de Poitiers pilla et incendia le couvent. Du clocher qui ornait l’église ne reste que la base avec un départ d’escalier. Le cloître et divers bâtiments dans l’enceinte du monastère furent détruits. La Maison de l’Habit fut rasée.
Le prieuré de Rives ne peut se relever de ses ruines. Après une période de grande misère, les religieuses se retirèrent à Fontevraud début 1640.
La fermeture ne fut cependant pas totale ni définitive car, en 1732, une crue catastrophique détruisit en partie ce qui restait du prieuré où vivaient encore des religieuses « Le moulin fut emporté ainsi que les foins ».

Msg ROSSET de FLEURY

Le prieuré de Rives fut définitivement supprimé en 1758 et les fondations pieuses transférées à la cure d’Abilly par ordonnance du 5 juillet 1759 de Mgr ROSSET de FLEURY, nommé archevêque de Tours le 20 juin 1751.


La vente du couvent de Rives

Source : AD37 réf 10Fi001-0014 – Le couvent de Rives

Le 14 mai 1791 fut établi un État estimatif des biens et revenus de toute nature possédés par des ecclésiastiques dans le domaine de Preuilly. Le prieuré de Rives relevait de ce district et de la commune d’Abilly, ainsi que toutes ses dépendances. Cette estimation donne une idée assez précise des biens de Rives au début de la Révolution :
« Le Prieuré de Rives dépendant de Fontevraud consiste avec le monastère, en un moulin, des métairies, des borderies, le labourage de la maison principale, des bois, des rentes et des droits de dîmes.
Les terres et les maisons comprennent :

  • Le Prieuré proprement dit.
  • La Rousselière, petite locature consistant en une petite maison et une écurie à laquelle est réuni un jardin de deux boisselées ; 44 boisselées de terre à seigle et une demi-boisselée de prés.
  • La Métairie de l’Écluse, contenant logement, cour, grange, écurie, toit à porcs, cellier. Deux boisselées de jardin, mauvaise futaie et 225 boisselées de terres en grande partie absolument mauvaises.
  • Le grand et le petit Jubergin, consistant en deux borderies exploitées par le même métayer. Comprenant deux corps de bâtiments séparés, avec tout ce qui est nécessaire à l’exploitation des domaines. Chénevière, jardin, une mauvaise vigne, 220 boisselées de mauvaises terres, quatre boisselées de bois.
  • Le Moulin de la Garde, le plus beau du pays, consistant en deux roues avec leurs tournants et virants, deux chambres basses, grenier dessus, deux écuries en basse panne, une autre écurie, une grange et un fournil. Chénevière de deux boisselées, une vigne de huit boisselées, 80 boisselées de terres et 24 boisselées de prés.
    Estimé 3 600 livres.
  • Le Port de Rives, locature consistant en une petite maison, une écurie et une petite grange, jardin et vigne de deux boisselées, 62 boisselées de terres à méteil et seigle, deux boisselées de pacages.

La totalité est estimée 48 431 livres. »

La vente aux enchères a lieu le 21 juin 1791 : le citoyen VOYER, de Paris, se voit adjuger le tout pour la somme de 81 000 livres payables en assignats. Ce VOYER étant en réalité le marquis Marc-René de VOYER d’ARGENSON (1771-1842), héritier de son père ex-gouverneur du Poitou, Aunis et Saintonge et rallié aux principes de la Révolution.


La reconversion des bâtiments du Prieuré de Rives

La diminution des moulins a été relativement lente dans le bassin de la Claise dans la seconde moitié du XIXème siècle. C’est au début du XXème siècle qu’elle s’est accélérée et, à partir de 1950, qu’elle est devenue brutale.

La Claise

Les moulins, disséminés dans la campagne, ont vivoté grâce à des actions de substitution.

La plupart écrasait du grain, certains ont cherché dans des directions plus inattendues : le moulin de Rives s’est transformé en chocolaterie,

Source : AD37 – Moulins de Rives et chocolaterie

et une laiterie industrielle a produit dans l’ancien cloître du couvent :

Source : AD37 – Laiterie de Rives (ancien couvent)

Quelques meuniers de Rives

François COLINET – recensé meunier en 1881

François et Jean-Baptiste MOREAU – recensés meuniers en 1841

Alexandre CONTY – recensé minotier en 1861


Sources :
– Wikipedia

– Geneanet
– Bulletin trimestriel tome XXXVII (1972) de la Société Archéologique de Touraine : article de M. André Goupille

– Revue Archéologique du Centre de la France, tome 32 – 1993 : L’aménagement hydraulique de la Claise tourangelle et de ses affluents du Moyen Âge à nos jours.

NB – M. Goupille est décédé le 22 octobre 1983 ; il fut vétérinaire à La Haye-Descartes et prit une part active à la Résistance. Déporté en Allemagne en février 1944, il sera nommé Conseiller général dès son retour (1946), jusqu’en 1964.
Il a publié deux ouvrages : « Mon village sous la Botte » et « Descartes des origines à nos jours ».

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